Les dieux de Bal-Sagoth
		Howard, Robert E. Edition : Bragelonne 2010, 476 pages ISBN : 978-2-35294-374-7 22 €

A côté de ses récits médiéval-fantastiques et de ses héros célèbres, Howard a écrit une multitude de nouvelles d'inspiration historique, comme on a pu le constater dans Le Seigneur de Samarcande paru il y a plusieurs mois. Dans ses plus jeunes années, l'auteur texan a allégrement mélangé fantasy et coutumes scandinaves, celtiques et gaéliques, selon ses obsessions du moment. Le résultat de cette soupe n'a pas toujours été glorieux mais ces textes ont permis à Howard de se faire connaître et de gagner ses premières primes.

Patrice Louinet et Bragelonne présentent un ensemble de douze nouvelles et de trois récits non-achevés dans cet ouvrage, premier d'une série de trois. Ces textes datent des années vingt et du début des années trente. Ils sont aussi différents dans leur qualité que dans leur univers bien qu'ils mettent toujours en scène le même type de personnage et ont un déroulement similaire.

Les aventures viriles et violentes démarrent avec Les Dieux de Bal-Sagoth, ou l'incroyable voyage de deux guerriers, un Gaël et un Saxon, deux ennemis qui se retrouvent sur une île inconnue après le naufrage de leur navire. Leur alliance devient obligatoire pour leur propre survie. Les lecteurs reconnaîtront l'un des Européens, Turlogh O'Brien qui a déjà été au centre de deux textes écrits par Howard. Celui-ci est brutal, rapide et plein de rebondissements et pourtant totalement invraisemblable. Cette épopée se lit facilement et avec beaucoup de plaisir.

Vient ensuite le siège de Dublin dans Le Crépuscule du Dieu gris, un texte malhabile et plutôt compliqué à suivre, suivi de Lance et Croc, une courte histoire préhistorique - la première nouvelle publiée par Howard. Les fondations de ce récit seront reprises bon nombre de fois dans les nouvelles ultérieures.

Le texte suivant est une balade en forêt dans le nord de la France, Dans la Forêt de Villefère, sans grand intérêt sauf sur deux points : l'ambiance nocturne et oppressante correctement retranscrite et l'introduction à la nouvelle La Tête de loup. Cette dernière est, à mon avis, la plus réussie du recueil. Des aristocrates, des marchands d'esclaves, des duellistes et des catins sont réunis pour une fête dans la demeure d'un négrier en Afrique. La sauce (piquante) prend parfaitement et donne un récit passionnant et délirant.

Malheureusement, le cap n'est pas maintenu pour les textes suivants. Le Crâne vivant est la plus longue histoire de l'ouvrage, elle mélange un Londres brumeux à des comploteurs et à l'Atlantide. Le résultat est ennuyeux, décevant et beaucoup trop long. Le Moment suprême se déroule dans un univers contemporain à Howard et est articulé autour du thème qu'est la fin de l'humanité dans un récit basique. Ensuite, Le Feu d'Asshurbanipal est une aventure désertique mettant en action deux pilleurs de tombes harcelés par des Bédouins à la recherche d’un trésor mythique. Ce texte-ci, par contre, est bien construit et agréable à lire, on y note aussi le passage des tentacules des Grands Anciens…

Les Guerriers du Valhalla diffère de la production habituelle d'Howard. L'univers est centré sur son Texas natal et se concentre sur la réincarnation et sur l'évasion onirique. Il fait vivre à un infirme la vie d'un guerrier blanc et de sa troupe parti à la rencontre d'antiques et décadentes civilisations américaines. Ce texte vaut vraiment la peine d'être lu, de part son originalité, sa narration et son renouvellement. Il servira aussi de base à plusieurs histoires plus récentes.

Arrivent ensuite deux récits du style western. Les Morts se souviennent n'est ni excellent, ni original (un cowboy maudit après le meurtre d'une noire) mais sa présentation sous forme de lettres et de rapports est une bonne idée. Le suivant, au contraire, Querelles de sang, un duel à mort sous le soleil du Texas, est superbe, immersif et efficace. Il est aussi rafraîchissant par rapport aux autres nouvelles, toutes d'un style assez semblable.

Le texte final, La Maison d'Arabu, est une déception. Il n'apporte rien de neuf à l'oeuvre de l’auteur. Il s'agit d'une énième resucée du thème « le barbare brutal mis en situation dans une civilisation étrangère décadente »…

Le traducteur et spécialiste Louinet agrémente le recueil de nouvelles analyses, toujours intéressantes, documentées et éclairées. Il va confirmer en grande partie ce que j'ai pensé de ces textes, à savoir, une grande répétitivité, un style ampoulé souvent basique et immature, une obsession d'Howard pour ses origines soi-disant celtes et quelques perles comme La Tête de loup ou Querelles de sang. Si vous avez déjà lu Conan, Kull ou Solomon Kane, vous aurez également un sentiment de déjà-lu, en effet, Howard a fréquemment recyclé ses premiers textes en les améliorant néanmoins.

L'illustrateur de l'ouvrage est le bien connu Didier Graffet. Son travail est bon, colle à l’ambiance barbare des récits mais j'ai eu l'impression qu'elles étaient moins nombreuses que d'habitude.

Au final, un recueil intéressant pour qui est curieux de l'histoire littéraire, nettement moins pour le plaisir de lecture.