Bandonéon
		Gonzalez Edition : Dupuis 2010, 200 pages ISBN : 978-2-8001-4651-5 24 €

Nous sommes en 1916, à Gênes : un paquebot arrive en vue du port italien. A son bord, toute une foule d'émigrés argentins, qui viennent en Europe pour y vivre une nouvelle vie, en fuyant la dictature qui gagne du terrain en Argentine. Les argentins sont ainsi nombreux, soudés, attachés à leurs coutumes ancestrales. Notamment, il est une musique qui est ainsi importée : c'est le tango. Ainsi, Vicente, un énorme bandonéoniste, fait partie d'un groupe de tango qui se produit tous les soirs dans les lieux où on se lâche, et où les argentins se souviennent du pays avec nostalgie.

En général, ces soirées ne sont pas vraiment prévues pour les gosses, même si Vicente est toujours resté très fidèle à son épouse qui est toujours au pays… Les camarades de son groupe sont certes sympathiques, mais certains d'entre eux commencent sérieusement à radoter, notamment le pianiste. Et Vicente connaît un gamin qui se débrouille de mieux en mieux au piano : il s'agit d'Horacio. Mais le petit a un père qui se drogue, et qui travaille tout le temps à l'imprimerie locale. Alors, Horacio est élevé par l'amante occasionnelle de son père, une belle dame nommée Nélida. Contre l'avis de cette dernière, Vicente amène un soir Horacio à un de ses concerts : c'est le début de la vie pour Horacio…

On retrouve Horacio en 1931, alors qu'il est devenu un pianiste virtuose de renom. On propose même à Horacio de venir jouer aux États-Unis, et d'enregistrer avec les plus grands. Mais ce dernier ne sait pas trop : il tarde à se décider, quitte à ce que cela lui passe sous le nez. Bref, Horacio est devenu un autre homme, qui a oublié l'essentiel de ses origines. Ainsi, cela lui arrive certes encore de voir ses anciens amis, ou Nélida, mais toujours lorsque son père est absent. Maintenant, Horacio voit du beau monde, et va même tenter d'épouser une bourgeoise, même si le père de cette dernière ne rêvait pas vraiment d'un pianiste pour sa fille…

Alors, Horacio va entrer dans une petite vie bien rangée, où la routine va s'installer. Jusqu'à ce que, peut-être, les racines refassent surface…

Bandonéon est, autant le dire tout de suite, une oeuvre très personnelle, très en marge de la production classique de bandes dessinées… Autant dire, par là même, une oeuvre originale, forcément digne d'intérêt, et ce dès le premier regard. On y retrouve la vie d’un homme argentin, racontée par Jorge Gonzalez, un homme qui est parti d'Argentine et qui en est revenu… La musique est un élément omniprésent tout au long de ces pages, de même que la couleur sépia qui est utilisée, renforçant avec force et beauté la nostalgie des êtres qu'on y rencontre.

Les personnages sont évidemment fouillés (il faut dire que le temps est donné pour cela, avec 200 planches), avec des relations travaillées et des réactions du sud, souvent exacerbées. L'ensemble est attachant, beau : la douceur côtoie la violence de certaines réactions, notamment celle du père d'Horacio lorsqu'il trouve son fils chez lui. Un livre magistral, à mettre entre toutes les mains, que l'on soit amoureux de l'Argentine et du tango, ou pas…