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Bardo or not bardo |
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Volodine, Antoine Edition : Seuil, Collection : Fiction et Cie
2004, 192 pages
ISBN : 2020628546
18 € |
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Selon les croyances tibétaines, la mort n'est pas simplement la fin de l'existence, mais ce moment crucial où il y va pour un défunt de la possibilité de se réincarner ou de ne pas se réincarner. Durant les quarante-neuf jours qui suivent le décès, l'âme du défunt erre dans cette zone intermédiare que les moines nomment le Bardo. Le Bado Thödol, qu'on appelle aussi le livre des morts, est un ouvrage destiné à aider chaque homme à affronter sa propre mort et à parvenir ainsi à rompre le cycle des réincarnations dans lequel il est pris. Encore faut-il qu'il accepte cette aide, ou parvienne à l'entendre... Outre le caractère fortement hypothétique de croyances religieuses indémontrées (c'est d'ailleurs l'essence du religieux d'être une croyance et non une connaissance) - on n'a jamais eu de témoignage de ce qu'est l'après-vie -, un paramètre important rend en effet plus que problématique le bon déroulement du séjour dans le Bardo : l'âme humaine elle-même, soumise aux caprices de sa nature et tendanciellement névrosée, ne souhaite souvent précisément rien d'autre que de continuer à vivre et revivre. Que ce soit dans la recherche effrenée de la réincarnation, ou le projet secret de s'installer dans le Bardô pour y couler des jours paisibles loin des ennuis de l'existence quotidienne - situation absurde s'il en est, puisque l'on parle ici d'un mort - l'homme est amené dans cet environnement intermédiaire à révéler sa vraie nature. Excellent laboratoire littéraire, le Bardô est dans son principe un moyen idéal pour se poser la question : qu'est-on face à la mort et qu'attendait-on, en définitive, de l'existence ? Sans aborder ces questions sous un jour théorique - nous somme dans un roman, bien fantaisiste à de nombreux égards - Antoine Volodine met en place sept récits fortement emprunts de théâtralité, où l'humour corrosif le partage à la réfléxion politico et poético exitentielle. Un ouvrage, vous l'aurez compris, à réserver aux afficionados de la littérature "dure" ou aux lecteurs curieux, désireux d'inhabituel. Au-delà de l'aspect intellectualiste de ce roman, ces sept histoires (qui n'en font qu'une en réalité) constituent la percée la plus audacieuse jamais vue depuis bien longtemps d'un imaginaire singulier et exotique. Exotique, c'est d'ailleurs ainsi qu'Antoine Volodine qualifie ses propres romans. Plus précisément, il se désigne lui-même comme l'inventeur du post-exotisme. Qu'est-ce que le post-exotisme ? Un univers fictionnel où se mêlent anciennes figures politiques communistes et révolutionnaires et mystique religieuse. Et je dis bien qu'il s'agit d'un univers, c'est-à-dire d'un monde construit de toute pièce, et repris comme fond narratif dans chacun des romans de Volodine. Littérature de l'imaginare par excellence, les romans de Volodine vous démontreront qu'il reste de nombreux territoires vierges à explorer en ce domaine, même si ce n'est pas forcément ce qu'on entend habituellement par imaginaire. Ici, pas de robots, pas de dragons ni de féérie, mais un imaginaire adulte, pleinement ancré dans les problématiques contemporaines et pénétré d'une sensibilité poétique véritable. C'est ça aussi , les littératures de l'imaginaire.
Ecrite par , le 12 Octobre 2004 à 09:10 dans la rubrique .
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Merci !
Ecrit par le 16 Novembre 2004
Ça fait plaisir de voir chroniqué Antoine Volodine dans un site consacré à l'imaginaire alors qu'il semble un peu oublié dans les sites de Sf depuis son passage en littérature blanche. Et chroniqué avec intelligence, profondeur et goût !
À mes yeux, Volodine est tout simplement, sur le plan strictement stylistique, le meilleur auteur des littératures de l'imaginaire aujourd'hui. Il possède en outre un univers puissant, très ancré sensuellement et sensitivement, qui porte une empreinte physique forte. "Des anges mineurs" est un chef d'uvre insuffisamment salué, "Des enfers fabuleux" n'en finit pas de résonner, par échos longs, une fois le livre achevé. Certaines scènes sont si intensément vissées en terme sensitif qu'elles restent en mémoire comme si elles avaient été vécues.
Alors Bardo or not Bardo ?
Bardo !
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Re: Merci
Ecrit par le 17 Novembre 2004
Bonjour Alain. heureux de voir, premièrement, que les efforts d'un chroniqueur peuvent susciter l'attention, et particulièrement (2) quand il s'agit du commentaire d'un écrivain que j'admire nouvellement. (Pour les intéressés, Alain Damasio est l'auteur de La Horde du Contrevent, un "roman" - je n'en dis pas plus ici - qui sera bientôt chroniqué par mes soins). Sans votre signature, voici ce que j'aurai répondu: "Oui, Volodine est certainement un des écrivains les plus féconds et les plus libres qu'il nous ait été donné de voir. A mon sens, il n'a d'égal qu'un Murakami ou peut-être qu'un Damasio." La louange paraîtra excessive, mais l'idée effleurait pendant la lecture de votre commentaire, avant de tomber sur la signature! et puisque le hasard est si bien fait, il me faut maintenant demander l'entretien, l'échange question/réponse, afin que la future chronique soit aussi vivante qu'elle le mérite, et qu'elle s'enrichisse des mouvances d'un dialogue. Voici mon e-mail: bibirox1981@yahoo.fr N'hésitez pas à me contacter, à bientôt.
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