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Danse, Danse, Danse |
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Murakami, Haruki Edition : Points
1995, 574 pages
ISBN : 2-02-066408-9
8,50 €
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Lhôtel du dauphin est un hôtel comme il y en a beaucoup. Le genre dhôtel dans lequel personne ne voudrait sarrêter, un hôtel miteux, tenu par un patron à lair de parfait looser quon imagine avec une calvitie naissante. Une seule servante soccupe de laccueil, du ménage et des repas. Cest une vieille fille obèse, une sorte de femme-éléphant. Peinture défraîchie, mobilier des années cinquante, couloirs déserts, peut-être même des zones dhumidité. Et puis, lhôtel du dauphin est un peu bancal. Littéralement, il fuit le regard. Ça doit être un hôtel un peu lâche. Pour le regarder en face, il faut incliner la tête. « Si lon sy habitue, on ne pourra plus sempêcher de tout regarder, même le monde normal, en inclinant légèrement la tête ». Si vous vous arrêtiez dans ce genre dhôtel par une nuit daverse par exemple, ou à la suite dune crevaison nul doute que son image resterait enfouie au plus profond de votre mémoire. Quand le personnage principal de Danse, Danse, Danse décide dy revenir, on sait déjà quil retrouvera aussi un lieu à la logique obscure, vivier de hasards objectifs et de rencontres aux accents surréels. Suite de La Course au mouton sauvage, Danse, Danse, Danse est servi par cette incantatoire typiquement murakamienne qui fait tout le charme des romans de lauteur japonais. Le narrateur, à la recherche des zones oubliées de son moi profond, instaure une cabale improbable faite de petites habitudes. Au fil de ses allées et venues dans un hôtel désert, de ses séances de cinéma quotidiennes où il visionne à chaque fois le même film, et dans la rythmique des rencontres où surgissent les figures de la jeune adolescente mystérieuse, de lhomme-mouton et de lami denfance (trois personnages que Murakami utilise de manière récurrente dans ses romans), létrangeté se prépare à jaillir. Sur fond dun décorum banal qui nen finit pas de remuer vers un symbolisme indéchiffrable, le récit, toujours à la limite du fantastique, mêle tranche dabsurdités urbaines et bureaucratiques, doux tempo rockn roll, et érotisme subtile. Ainsi du passage de linterrogatoire, passage ambigu, lourd dune ambiance et dun non-sens que Kafka ne renierait pas. Réparties improbables de policiers qui cherchent eux-mêmes à se persuader de la valeur de leur métier, dans une machine administrative folle, silences dun narrateur qui nen finit pas de sétonner de la tournure inquiétante de l'interrogatoire dément, durée de lentretien lui-même, qui semble ne jamais vouloir se terminer, autant d'éléments qui contribuent à faire de cette scène un épisode irréel et oppressant . Ici, réalité brute et surréalité quasi-onirique, poussées lune et lautre à leur paroxysme, finissent par se superposer et à dissoudre leur opposition. Particulièrement bien amené, le dénouement du récit est cadencé selon une logique qui rend fort à propos le titre du roman. Tout en retenue et en tact, une histoire simple et obsédante tout à la fois, un autre reflet de lécrivain lui-même, une autre répétition du récit auto-fictionnel sans fin que Murakami nous conte depuis ses débuts. De la grande littérature sans prétention, pour redécouvrir limaginaire du quotidien.
Ecrite par , le 20 Septembre 2004 à 19:09 dans la rubrique .
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