Blame ! (Tome 1)
		Nihei Edition : Glénat 2000, 224 pages ISBN : 2723431029 6,40 €

Killy est un enquêteur. Inlassablement, il gravit les échelons d'une gigantesque ville tout en conduits, escaliers, couloirs. Une ville à ciel ouvert issue du rêve d'un cybertechnicien fou. Dans cette mégalopole en ruine où survivent quelques rares humains, les dangers sont innombrables, à commencer par des sortes de marionnettes (ou "sauvegardes") humanoïdes hostiles aux humains et aux machines devenues folles qui hantent chaque étage.

Si l'on en croit le premier volume, la quête de Killy doit être double : atteindre le sommet de cette ville cauchemardesque et trouver un humain ayant un « terminal génétique ». Dans quel but ? Mystère. Dans ce premier volume, les combats sont incessants, s'enchaînant dans un rythme orgiaque jusqu'à plonger le héros dans une danse frénétique où les morts s'accumulent, du côté des humains comme du côté des cyborgs. On y apprend que les humains sont devenus étrangers à leur propre technologie, et ont tout oublié de leur passé. Plus personne ne sait ce que peut être la terre, plus personne n'a idée de ce que peut signifier l'extérieur.

Avec son personnage mystérieux, silencieux, et solitaire, on pourrait pourtant s'attendre au pire cest-à-dire à un faux scénario à suspens où seraient parcimonieusement fournis, de volumes en volumes, de rares indices menant à quelque révélation convenue.

Ce serait sans compter sur l'aspect profondément nihiliste du récit : le héros de Blame ! est un personnage indifférent au sort de ses congénères. Il avance d'étages en étages, enchaîne fusillades sur fusillades, rencontre ennemis et alliés de circonstances, sortant indemnes des périls qui se dressent sur son chemin, sans qu'aucun de ces évènements n'aient en définitive d'incidence sur l'évolution du récit. Killy continue à marcher, de volumes en volumes. Pour un peu, il n'y aurait aucune conséquence sur l'esprit de fond de ce manga si Killy tournait en rond. De log (sorte de niches) en log, seul le fil ténu d'une chronologie narrative formelle (la numérotation des pages est presque le seule indice qui nous confirme que l'histoire évolue) laisse augurer la possibilité qu'un jour l'enquête de Killy puisse se terminer.

Manga d'ambiance, Blame ! est une expérience esthétique avant d'être une aventure post-apocalyptique. Sa quasi-absence de dialogue, les grands espaces vides dans lesquels évolue le héros, ses cases pleine page, son dessin épuré et l'aspect décousu de la narration, autant d'éléments qui contribuent à provoquer le vertige et la perte de repères d'un lecteur plongé dans un univers babélien proprement déboussolant.

Pour ma part, un des meilleurs mangas actuels, pour d'autres un foutage de gueule en règle.