L'argent facile (Stockholm noir - Tome 1)
		Lapidus, Jens Edition : Pocket 2009, 725 pages ISBN : 978-2-266-19372-6 8,10 €

JW est un jeune suédois ordinaire qui aspire à sortir de son milieu et intégrer la haute société, celle dont l'activité principale est la jouissance. Afin de se maintenir au niveau de ses nouveaux amis, plutôt aisés financièrement, il fait le taxi au noir pour arrondir ses fins de mois bien qu'il parvienne très vite à la conclusion que cette activité sera insuffisante à assurer le train de vie auquel il souhaite parvenir.

De son côté Mrado Slovovic, est assez bien placé dans la hiérarchie de la mafia yougoslave qui règne sur le marché de la cocaïne à Stockholm. Il est le responsable du trafic des vestiaires et chargé de faire respecter les exigences de son supérieur Radovan Kranjic. Il parvient à concilier ses activités sportives et professionnelles et tout serait parfait s'il pouvait voir plus souvent sa fille, Lovisa, que son ex-femme tient éloigner de lui ainsi que de ses activités douteuses.

Enfin il y a Jorge Salinas Barrio, qui purge une peine de prison après avoir été trahi par Mrado. Durant son internement, il s'entraîne à la course et à l'endurance. Cet enfermement le mène à mettre sur pieds un plan qui va lui permettre d'assouvir sa vengeance vis-à-vis du clan yougoslave.

Au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire, on assiste à l'évolution de ces trois personnages avec la conviction inéluctable que leurs routes vont se croiser et certainement pas pour le meilleur.

Ce thriller nerveux et sec met en scène une Stockholm bicolore ; une ville noire car ce roman expose les trafics, la dégradation et la dépravation d'une certaine société ; une ville blanche car toute entière contaminée par le marché de la drogue et notamment la cocaïne.

Le rythme volontairement rapide est accentué par le style lapidaire constitué de phrases courtes parfois réduites à un seul mot. Cela donne une impression de saccade, comme si le texte était écrit avec une mitrailleuse. Le livre prend à quelques reprises des allures de catalogue, essentiellement lorsqu'il expose le nom des marques qu'il faut porter pour être " hype " voire des allures de mode d'emploi quand il décrit le blanchiment de l'argent, les méthodes de transport de la drogue pour l'acheminer entre les différents pays. Il est un peu dérangeant de découvrir ces méthodes exposées aussi crûment dans les entrailles littéraires, cependant on n'a pas encore atteint le stade de les envisager comme perspectives de carrière.

L'originalité se situe dans le fait que la seule enquête visible est celle menée par JW qui est à la recherche de Camilla, sa soeur disparue et dans le fait que, la plupart du temps, les interventions policières se font à travers des comptes-rendus, des consignes d'intervention ou encore par des procès-verbaux de tribunal ou des présentations de procès. Il est également très curieux de se rendre compte que ces personnages, qui n'hésitent pas à recourir à la violence, ne sont au final que des êtres humains, avec des préoccupations familiales ou sentimentales à l'instar du lien qui unit Jorge et sa soeur. Il est aussi perturbant d'éprouver de l'empathie pour un criminel yougoslave lorsqu'il se bat pour conserver la garde de sa fille.

En conclusion, l'indifférence n'est pas à l'ordre du jour lors de la lecture de ce thriller. Aucune trace de tiédeur ou de relâchement, cette immersion dans la violence et la laideur est sans fin. Au mieux connaît-elle quelques pauses, des poches de douceur, de tendresse vite absorbées par le tourbillon de noirceur que représente la vie des protagonistes. La laideur est illustrée par le racisme très prononcé des blancs envers les étrangers ainsi que celui qui existe au sein même de la communauté yougoslave, entre serbes et croates par exemple.

Il est bon de noter pour ceux qui auront été captivés par les aventures suédoises de ces voyous, que le deuxième volet est déjà paru en grand format aux éditions Plon.