Evana 4
		Le Roy, Philip Edition : Au Diable Vauvert 2009, 409 pages ISBN : 978-2-84626-182-1 19 €

Zender Arbacan, producteur de films de son état, est un pur produit de la volonté de sa mère de mettre au monde un être supérieur à tous points de vue. Il est doté de nombreux talents, dont un QI très au-dessus de la moyenne et d'un physique plus qu'avantageux. L'histoire s'ouvre sur la cérémonie de son mariage avec le top model Kristen McKenzie une sublime blonde poétesse à ses heures. L'événement qui présentait tout ce que l'on est en droit d'attendre de ce genre de fête : des invités prestigieux, de magnifiques mariés, de l'émotion etc. se voit soudain perturbé par l'irruption d'individus masqués réclamant ses biens à un parterre trié sur le volet, choqué par la soudaineté et la violence de l'attaque.

Ce qui a toujours été remarquable dans les romans de Philip Le Roy c'est son écriture visuelle et cinématographique. Celui-ci ne déroge en rien à la règle puisqu'il pousse le mimétisme jusqu'à placer directement l'action dans les coulisses du septième art, et en premier lieu à travers la profession de Zender.  On trouve une fois encore une multitude de références cinématographiques ainsi qu'une véritable bande son détaillée en fin d'ouvrage. De plus, il y a un petit côté Huit femmes dans cette réunion.

Ce nouveau personnage, Zender Arbacan, qui a choisi de faire carrière dans le cinéma à l'instar de son père, est un être mégalomane, odieux, d'un cynisme qui laisse pantois. Certes, il est séduisant, attirant et riche, représentant ainsi un piège on ne peut plus tentant pour certaines créatures dont la beauté n'a d'équivalence qu'une forme de fragilité. Il parvient même à faire céder les plus fortes d'entre elles, grâce à son charme et ses arguments imparables. Il ne vit pourtant que pour son projet mystique, créer la nouvelle Ève, sans se préoccuper de la déroute et du malheur qu'il sème sur son chemin. Il compare sans cesse son oeuvre à la création divine tout en se vantant d'avoir fait mieux.

Malgré tout, il faut avouer que l'auteur manque un peu sa cible. On s'attendait plus ou moins à un huis-clos étouffant lors de la confrontation entre la victime et ses possibles criminelles. Ce n'est, hélas, pas ce qui se produit. Le suspense est bien maintenu, le problème ne se situe pas là, mais on pensait que l'atmosphère allait virée à la claustrophobie après la réunion de Zender, de ses ex-compagnes et de son épouse actuelle. Or, il n'en est rien. La tension est la plupart du temps instaurée par les maris ou petits amis actuels dont les conceptions de vie sont pour le moins antinomiques. Les conversations, souvent orientées vers une pseudo philosophie ou psychanalyse sur la personnalité des uns et des autres, n'ont pas tendance à créer l'angoisse ou le sentiment d'enfermement recherché voire attendu. Bien sûr, on sent au fur et à mesure l'étau se refermer autour de l'auteur des attentats, néanmoins l'effet de tension n'est pas aussi marqué, que ce que l'on est en droit d'espérer de ce genre de réunion perverse.

En-dehors de cela, le talent d'écriture de Philip Le Roy est toujours présent. Il transparaît à travers chacun de ses personnages même si Zender est plutôt imbuvable. Les femmes sont toutes plus complexes les unes que les autres. Qu'elles possèdent un caractère volcanique ou bien qu'elles soient paumées, la rupture a toujours été cruellement ressentie, même si chacune appréhende l'abandon à sa manière. Celle qui provoque le plus de réactions est sans aucun doute Frédérique, cette splendide rousse aux yeux verts, rattrapée par ses démons après la fuite du cinéaste. Si sa façon d'employer le verlan est agaçante, sa fragilité et sa personnalité sont bouleversantes.

En conclusion, le plaisir de lire les oeuvres de cet auteur fertile est toujours présent bien que cet opus soit un peu décevant par rapport aux précédents, en particulier ceux ayant pour héros Nathan Love. Reste que l'on aime détester Zender et qu'on a du mal à lâcher ce livre avant de connaître le dénouement de cette sombre aventure teintée au rouge sang de la vengeance.