Le Dragon aux Plumes de Sang (Griots Célestes - Tome 2)
		Bordage, Pierre Edition : J'ai Lu 2008, 406 pages ISBN : 978-2-290-00821-8 8 €

Qui-vient-du-bruit est maintenant devenu un apprenti griot sous la houlette de son maître Marmat Tchalé. Ils parcourent les mondes habités par les humains afin de répandre le Verbe et restituer leur mémoire aux hommes dispersés dans la galaxie. Ils sont attendus sur Frater 2 où les membres de la Congrégation ont annoncé leur arrivée à la reine Osfoët et au prince consort Ynold. Même si ces derniers ont plusieurs raisons tangibles de douter des dires de l'individu actuellement à leur service, ils décident de tout mettre en oeuvre afin d'accueillir dignement ces invités prestigieux. Parmi eux, une personne se réjouit particulièrement de cette visite ; il s'agit de leur fille aînée, Löte, qui a eu une vision dans sa prime jeunesse lui annonçant la venue de Seke et de Marmat. Depuis lors, elle attend avec impatience leur venue. Grande-Isle des Fresles est, cependant, une des seules îles à avoir conservé une reine au pouvoir, selon la tradition ; il n'est pas évident que la fidélité du portier céleste sera dévolue à la souveraine en titre.

Le Dragon aux Plumes de Sang est le second tome de la saga des griots célestes écrite par Pierre Bordage. On suit de nouveau ces poètes musiciens à travers leurs pérégrinations terrestres et spatiales au sein de planètes diverses et variées renfermant des dangers insoupçonnés venant de toutes parts. Au fur et à mesure de leur progression ils croisent des populations exotiques qui semblent évoluer dans des environnements hautement technologiques. Il apparaît également que cette utilisation se fait avec très peu de scrupules et de morale et être en lien avec l'infiltration des centres de pouvoir par l'Anguizz, l'Ankl, l'Anguille ou quel que que soit le nom dont cette confrérie se pare. Elle se place ainsi de manière à aisément mettre en oeuvre ses macabres desseins. La science sert dorénavant à contrôler les gens grâce à l'emploi de certaines particules qui leur apportent, certes, un mieux être et d'autres avantages sans leur laisser pourtant la possibilité de réfléchir aux réelles implications. Les gens sont sous contrôle puisqu'on réprime leurs sentiments et leur passion. Ils deviennent aveugles.

L'apprentissage de Seke ne se déroule pas dans la joie et l'harmonie les plus évidentes ; Marmat peut être un maître faillible avec des faiblesses très humaines parfois. Les regrets et les souvenirs le rongent, ce qui le pousse de temps à autre à des débordements comportementaux. Il est en proie à certains démons dont il est difficile de se défaire. Seke n'est pas en reste car il lui arrive de perdre de vue Qui-vient-du-bruit au profit de sentiments et d'émotions bassement terre-à-terre au point d'occulter son instinct ainsi que sa capacité d'écoute, en un mot de se perdre lui-même. Il apprend à ses dépends que la vie et les choix ne sont pas simples et que parfois décider signifie abandonner une part de soi, tout comme ceux qui accueillent avec joie la technologie. Peut-on se réaliser lorsque l'on est incomplet ? Cette attitude provient essentiellement, en ce qui le concerne, du sentiment de solitude véhiculé par la difficulté de sa fonction dont la seule attache autorisée est symbolisée par la kharba.

Ce récit est toujours aussi captivant, malgré quelques répétitions somme toute nécessaires à propos des griots et de certaines histoires antérieures. Le suspens est maintenu jusquau bout concernant les origines des deux organisations antagonistes, les porte-parole et les faiseurs de silence, ainsi que, dans une moindre mesure, la destinée des héros. Le dépaysement est toujours au rendez-vous et si on assimile souvent la lecture à un voyage, cette comparaison prend ici tout son sens.