Mano en mano
		Mirallès & Ruiz Edition : Dargaud 2008, 48 pages ISBN : 978-2-505-00349-6 13 €

En Espagne, de nos jours. Un homme est en train de fouiller la décharge publique afin d'y dénicher de quoi réparer un peu un domicile où tout se déglingue à part la télé... Il a une femme, son père et deux gamins en bas âge, et manque cruellement d'argent. Seule la télé semble en bon état dans cette baraque, et elle ne sert qu'à y voir des gens d'une toute autre condition, comme ces gardiens montant la garde devant un pactole en euros...

L'un deux, justement, trouve injuste d'avoir à retirer un billet de vingt euros à un distributeur, le tout pour se payer un médicament pouvant lui faire passer la crève. Le billet est tout neuf et sent bien bon le papier frais, comme le remarque la pharmacienne, qui le remet aussitôt à une vieille dame comme rendu de monnaie. Celle-ci se le fait voler quasi immédiatement à un arrêt de bus : on se retrouve à accompagner le voleur, dévoré par le démon du jeu.

Le billet commence à perdre de sa jeunesse, surtout lorsqu'un amant éploré vient se saouler et commence à lui gribouiller dessus des injures sur sa conquête passée. Il n'empêche que l'argent n'a pas d'odeur, et qu'il fera le bonheur de la balayeuse qui, coup de chance, le trouvera, pour le remettre à une oeuvre de charité, et ainsi de suite...

Vous l'aurez compris, ce one shot est basé sur une idée fort originale : suivre le parcours d'un billet de vingt euros. Ce dernier est donc bien le véritable héros de cette histoire, et sert de prétexte pour nous faire rencontrer du monde ! Évidemment, le tout est traité avec drôlerie et justesse, avec un brin de légèreté bien placée, même, et on sort de cette lecture en ayant forcément partagé un excellent moment.

Il faut dire que le dessin d' Ana Mirallès, la dessinatrice de la célèbre série Djinn, nous régale en parcourant toutes les couches de population de son Espagne profonde. On a du pauvre, du riche, du gentil, du voyou, du moche, du canon... Tout ces gens ne connaîtront jamais le point commun qui les a unis le temps d'une dépense, et cela a carrément le mérite de nous faire diablement réfléchir ! Si ce billet, comme tous ces frères et cousins passant de main en main, pouvait parler, il en aurait vraisemblablement des choses à nous raconter !

C'est en partant de cette idée toute simple que les auteurs nous pondent ce petit bijou d'originalité, que je ne peux que vous inviter à parcourir.