La Dernière Reine (Les Royaumes dépines et dos - Tome 4)
		Keyes, Greg Edition : Fleuve Noir, Collection : Rendez-vous ailleurs Fantasy 2008, 524 pages ISBN : 978-2-265-07747-8 23 €

Anne est maintenant l'héritière reconnue du royaume de Crotheny, bien que l'usurpateur, son oncle Robert, rôde toujours à l'affût. Ses pouvoirs ne cessent de croître, de même que sa maîtrise de ses capacités exceptionnelles. Ses ennemis, cependant, restent nombreux, à commencer par l'Eglise qui refuse d'admettre sa légitimité et le Praifec Hespéro qui parle en son nom n'est pas le dernier à lui dénier ce titre. Le royaume de Hansa, notamment représenté par le roi Marcomir, n'est pas non plus disposé à la conforter dans ses nouvelles fonctions. Aussi, une guerre inévitable se profile t-elle à l'horizon. De son côté, Stéphane Darige continue d'explorer la puissance que lui confère son statut d'héritier de Kauron et Aspar White, le verdier en convalescence, accompagné de Leshya, poursuit sa mission de trouver un remède pour guérir la forêt tout en continuant de chercher sa bien-aimée Winna ainsi que Ehawk.

Après une attente prolongée menaçant de se transformer en impatience, voici venir le dernier volume de la tétralogie des Royaumes d'Epines et d'Os. On connaît enfin la conclusion des aventures de Anne Dare en tant que reine et de ses compagnons d'infortune. Greg Keyes réussit le tour de force de produire une oeuvre singulière et originale tout en utilisant les codes du genre en vigueur. Cela est principalement dû au fait qu'il n'y a pas de manichéisme appuyé. Les frontières sont floues, les protagonistes souvent persuadés d'agir pour le mieux alors que leurs décisions peuvent s'avérer lourdes de conséquences. Anne, elle-même, acquiert de l'épaisseur et sa personnalité est de plus en plus complexe. Elle a du mal à faire la part des choses, devenant effrayante même aux yeux de ceux qui la connaissent le mieux. Autre fait remarquable, ce roman est entièrement écrit au pronom personnel « tu » alors qu'habituellement c'est presque toujours le « vous » qui prime. Cela peut paraître insignifiant, pourtant cela confère une atmosphère particulière à ce récit, quelque chose de plus naturel sans abolir les effets de classes et le respect dû au rang de chacun. De plus, on retrouve les détails si spécifiques liés au personnage de Cazio, les explications concernant ses techniques de combat à l'épée ainsi que son amour du vin, qui offrent là encore un lustre spécial à cette saga.

Il sagit donc d'une fresque ambitieuse, aux multiples acteurs dont les rebondissements ne cessent qu'avec le point final. Il n'est pas évident d'en deviner l'issue à cause, encore une fois, de l'indétermination des héros ; on ne sait jamais de quoi ils sont capables et le plus inoffensif d'entre eux peut s'avérer extrêmement dangereux. Ce livre possède définitivement une aura sombre et inquiétante. Le bonheur ne semble pas devoir être au rendez-vous ou alors pour un très petit nombre de personnages. La liesse ne règne pas en maîtresse sur cette histoire rugueuse, rarement simpliste bien que comportant certains effets spéciaux un peu extravagants. C'est un véritable plaisir que de se plonger dans les aventures de ces protagonistes si atypiques, d'assister à leurs exploits comme à leurs échecs, de les découvrir au fil de la progression du récit. Par ailleurs, on ne peut que se réjouir de l'amélioration apportée à la mise en page, élément qui péchait dans les précédents tomes. En conclusion, on peut affirmer sans complexe aucun être en présence d'une oeuvre appelée à devenir majeure dans le genre de la fantasy.