La Fureur et l'Ennui
		Flanagan, Richard Edition : Belfond 2008, 345 pages ISBN : 978-2-7144-4406-6 21 €

Depuis les événements du 11 septembre, le monde entier vit dans la peur des attentats et du terrorisme. La métropole australienne de Sydney n'échappe pas à cette règle, même si les médias contrôlent l'information accessible au public.
Cest dans ce contexte que la Poupée, alias Gina Davies, strip-teaseuse de son état, va être entraînée dans une spirale infernale qui ne peut aboutir qu'à une seule fin.

La Poupée, car son nom réel ne sera que rarement prononcé, est une femme banale, dont le métier inhabituel n'est à ses yeux qu'un travail comme un autre pour économiser de l'argent afin de s'acheter un appartement, et de s'offrir, au quotidien, les vêtements de marque qui lui permettent d'oublier la misère du quotidien. Danser et se dévêtir devant les gens, ce n'est pas plus de la prostitution que d'offrir ses sourires à un patron, ou de servir des verres, et en tout cas, ça paye mieux !

Mais alors que la Poupée a pratiquement toujours évité les relations, elle succombe, une nuit de carnaval, au charme d'un jeune homme, Tariq, avec qui elle passe une nuit torride. Mais au lendemain, alors que son amant a disparu, la Poupée apprend, par les médias, que Tariq est soupçonné d'être un islamiste qui aurait posé les cinq bombes découvertes dans la matinée. Et à la télé, des images défilent : les tours détruites des Twin Towers, Tariq et des terroristes reconnus, Tariq en compagnie d'une femme : elle-même.

Aussitôt montrée du doigt, accusée, surnommée la Veuve noire, l'un de ses noms de scène, la Poupée va devenir un bouc émissaire dont toute la vie, étalée dans les médias, sera déformée pour correspondre aux clichés qui effraient les gens, pour la faire entrer dans le moule d'une femme haineuse cherchant sa revanche contre la société.

Crucifiée par les médias, coupée des rares amis qui pourraient l'aider, poursuivie par une police à qui les nouvelles lois anti-terrorisme donnent tous les droits, la Poupée n'a d'autre ressource que de fuir, de perdre peu à peu tout ce qui la définit : son métier, son argent, son amie Wilder, ses quelques possessions, puis jusqu'à son apparence et son identité.

Dans une Sydney déformée par la peur, contrôlée par des médias cyniques en quête d'audience et de sensationnalisme, Richard Flanagan dresse le portrait d'une femme banale, dont la vie va être balayée par une chasse aux sorcières.

Ce roman, très noir, montre une image cynique et acerbe de notre société dans toutes ses catégories, dans tout son désespoir et ses faiblesses, qui se bouche les yeux et fait taire les quelques voix lucides pour mieux oublier ses peurs et briser ceux qui ne correspondent pas à l'image qu'elle veut donner au monde.