Habitus
		Flint, James Edition : Au Diable Vauvert 2002, 721 pages ISBN : 2846260389 20 €

Il existe encore des auteurs, comme James Flint, libres des habitudes de genre. Si vous aimez les romans inclassables, en orbite décalée, Habitus est le joyau qu'il vous faut. Ces multiples facettes psychédéliques vous éblouiront par la multitude de leurs aspects contradictoires, apparemment incompatibles. Et pourtant, ça marche. Un chef d'oeuvre (et je n'exagère pas). Lisez donc la suite si vous n'êtes pas convaincu, mais attention, ça tourne dans tous les sens !

Spounik II. Laïka, la chienne de l'espace. Un grand rêve paraît-il, peuplé de beatniks, de séries télévisées diffusées à grande échelle, les premières stars d'Hollywood, les premiers ordinateurs grands comme une pièce, grands comme un immeuble ! Autour de ce rêve, des millions d'esprits gravitent, pris dans un mouvement électronique et techno-pulsionnel gigantesque. Tout ça a commencé dans les années 60, à moins que ça n'ait commencé bien avant, à Dachau par exemple.
C'est peut-être aussi une histoire qui n'a jamais existé.  Celle de Judd, l'enfant plongé dans les rythmes impulsifs d'une imagination débordante, l'adulte synchrone de sa propre chance. Celle de Jennifer, la jeune aguicheuse, la boulimique au corps scarifié comme une carte de géographie. Celle de Joel, enfant fugueur surdoué, l'homme aux chaussures statistiques, le futur constructeur de son propre golem.

Habitus est un filet de 700 pages, une histoire d'amour fractalienne, un jeu de roulette à double coeur battant, emballé ou lancinant. C'est une floraison de phrases semi-végétales et semi-corticales, un projet mathématique juif ou un roman moderne. Habitus est un inqualifiable, et c'est d'ailleurs cela que veut dire son titre : quelque chose de divers, de disparate, ramené sous l'unité d'un principe moteur, d'une fonction finaliste improvisée, une greffe, un collage qui aboutit à des séries binaires : 001, 010, 110.
Riche de l'héritage du temps pondue par un écrivain boulimique, c'est un condensé bactériologique sans repos et sans souffle dans lequel les yeux peuvent se dissoudre. Habitus est un roman-dessein à visée prophétique qui arrachera à ses lecteurs l'envie d'en tirer un sens déterminé. Habitus met James Flint au même rang qu'un Haruki Murakami (si vous connaissez pas, ruez-vous dessus, c'est un classique maintenant, et c'est du fantastique entre autre - même si ça n'en a pas l'étiquette).