La saison de la chasse
		Rigbey, Liz Edition : Belfond, Collection : Belfond noir 2007, 461 pages ISBN : 978-2-7144-3935-2 21 €

Matt Seleckis est un médecin jeune et talentueux. Heureux mari et père d'un petit miracle, comme il dit, il mène une vie sereine et équilibre. Malgré un emploi du temps bien chargé, il est présent auprès de sa famille, de son père vieillissant et de ses amis. Les vendredis soirs sont sacrés : il retrouve trois comparses pour une soirée entre potes.

Or des retrouvailles inattendues avec son ami d'enfance vont tout perturber. Un souvenir va surgir du passé. Enfant, il aurait tué un homme. Cet homme, c'était le père de son ami Steve Minelli. Un homme qu'il craignait, un homme avec qui il partageait un secret. Tout reste confus, les événements se sont effacés, quelques images en vrac sont gravées.

Matt Seleckis part en quête de la vérité sous la pression obsessionnelle de Steve Minelli. Mais les années ont passé, les rares témoins ont enterré l'affaire, les preuves ont disparu et le temps a modifié la réalité en chacun d'eux. La chasse aux indices est ouverte, attention aux leurres et aux pièges.

Le roman commence par un prologue épatant : l'action et le suspens sont là dès les premiers mots. Le rythme ralentit dans les premiers chapitres pour amener progressivement une attente insoutenable. Le lecteur guette les indices et collecte les informations avec autant d'impatience que le héros du roman. Plus les pages se succèdent, plus l'on découvre une situation complexe alors que de première impression la vie de ce médecin était à l'envier. Il s'accusait d'un meurtre. Or de la part d'un enfant, il était évident que ce n'était pas le cas. Et c'est désabusé et sûr de la fin que la lecture se poursuit. Or les flashbacks mettent le doute et font émerger d'autres mystères autour de cette famille. Le père de Matt Seleckis était-il capable de maquiller un assassinat ? Sa femme aimait-elle vraiment son mari défunt ? N'est-il pas dangereux de renouer avec cet ami d'enfance perdu de vue et d'esprit ?

L'auteur utilise un procédé très intéressant pour amener les indices. Il fait revivre par son héros des événements du passé qu'il avait jusqu'à présent enfoui dans sa mémoire. Ces images sont brèves et décousues, inattendues. Ce qui laisse une marge énorme à l'interprétation, de quoi mettre Matt Seleckis sur de fausses pistes, de fausses croyances. Liz Rigbey y laisse l'idée que la mémoire lointaine de l'homme n'est pas fiable. On garde davantage les bons souvenirs que les mauvais. On y grave l'impression du moment, les sentiments et les ressentis. On y associe souvent une odeur, une écoute ou une image qui permet bien plus tard de faire resurgir le passé. Si vous avez été pris dans la spirale, je vous conseille des oeuvres dont les héros sont amnésiques. Soit ils sont persuadés de détenir la vérité comme dans Lumière noire de Minette Walters soit il reconstruise le puzzle de leur existence au fil des flashbacks comme dans XIII bandes dessinées de Jean Van Hamme et Jean Giraud.On ne peut pas se fier à ses souvenirs, on ne peut pas en vivre, ni espérer retrouver intact la personne tant aimée.

Liz Rigbey aborde à travers cette aventure les attitudes des personnes face à la mort de leur proche ou face à leur propre mort. Chacun de nous a déjà réfléchi à cette étape, énoncé des hypothèses, fait des choix. Or l'auteur soulève l'idée que face à sa fin plus rien n'est rationnel. La peur nous guide : peur de la souffrance, peur de la dernière confrontation avec ses proches, peur de ce que nous allons laisser... Les apparences n'ont plus d'importance et l'on vit pour soi.

Ce roman est plein de surprises par son style d'écriture comme par son épilogue. Le lecteur est pris au piège de ces pages et attend que l'auteur accorde de délivrer ses indices. Une oeuvre pleine d'enseignement. Mes respects Madame Rigbey.