La Sève et le Givre
		Silhol, Léa Edition : Oxymore, Collection : Moirages 2002, 280 pages ISBN : 2-913939-20-1 21 €

Angharad est fille de Frost, Seigneur du verglas, et d'une dryade des Cours de Lumière (dont le nom a sombré dans l'oubli). Son destin, si l'on en croit les Parques, est d'aimer d'amour vrai Finstern l'Obscur, Seigneur de la cité d'Irshem, née d'une goutte de son propre sang. Pour lui, raconte la prophétie, elle devra perdre son bien le plus précieux, rejeter ce qu'elle a perdu et enfin renier ce qu'elle est.

Mais l'étoffe dont se tisse les prophéties est complexe, si bien que cet amour par trois fois promis n'est peut-être qu'une simple maille dans le destin de son aimé. Car Finstern connaîtra trois fois la ruine, et le dédain de son peuple, jusqu'à trouver la mort elle-même. Une histoire d'amour au royaume de féerie peut-elle avoir valeur d'amour vrai, quand sa raison d'être et sa possibilité ne reposent, de toute éternité, que sur le bon vouloir (ou les cruelles jalousies - comment savoir?) des soeurs du Destin ?

Ainsi sont les prophéties : elles mettent au défi le désir d'aimer, cherchent à le soumettre aux lois de la tragédie. Mais l'amour, dans de telles circonstances sait se trouver des ressources inédites, se libère et s'invente comme amour libérateComposite de couleurs, chatoiement vert glacé, le roman de Léa Silhol (qui a reçu le prix Imaginaire 2003) est un poème fantaisiste à la symbolique hautement travaillée,  imbibée du folklore écossais le plus authentique. Il m'a rappelé Ambre par ses thèmes (les voyages dans les Cours, la trace d'Obéron,...) et le cycle de Lyonesse de Vance (ah Shimrod...), bien qu'il en diffère par le style et l'objectif - La Sève et le Givre n'est pas un roman à rebondissement, mais une peinture, une fresque, un objet ciselé.

Je prononcerai cependant cette réserve, qui vaut ce qu'elle vaut et peut aussi se comprendre comme ultime louange : il s'agit d'un roman de fantasy atypique, conformément à la politique de publication de l'éditeur, il pourra en désorienter certains par son style très (trop?) travaillé. Une narration toujours à distance des personnages décrits (par l'usage systématique du passé simple et de l'imparfait et des tournures de phrases souvent complexes), un goût de l'ornementation que l'on reconnaît féminin et que l'on pourrait de temps à autre qualifier de précieux. Mais cela aussi est une manière de dire les forces de l'Hiver et du Gel...