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Tourville |
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Jestaire, Alex D. Edition : Au Diable Vauvert
2007, 784 pages
ISBN : 978-2-84626-144-9
20 € |
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Jean-Louis Nabucco a trente-deux ans, il vit à Paris depuis quelques années et souffre du syndrome de Korsakoff. Ayant reçu un courrier de son ami d'enfance Sébastien Goupil, dont le corps aurait été retrouvé à Bray-Dunes, il se trouve en partance pour sa ville natale, Tourville, située dans le département du Nord afin de résoudre cette énigme et de comprendre ce qui a bien pu arriver à son copain. Voilà le résumé le plus simple et réaliste que l'on puisse faire du point de départ de cette aventure sauf que cela n'explique en rien ou presque cet O.L.N.I ou Objet Livresque Non Identifié. Il est très compliqué d'écrire ou même d'émettre un avis à propos d'une telle oeuvre tout simplement parce qu'elle est indéfinissable, inclassable et résolument inracontable. Le personnage principal, Jean-Louis mais qui connaîtra une autre identité au fil de la progression narrative, est difficilement présentable. Il se dit régisseur de cinéma, ce qui justifie sa tendance à tout filmer. Il souffre de pertes de mémoire, ce qui explique en partie l'aspect incohérent et décousu du récit mais il est aussi porté à la consommation d'alcool puis de drogues. Il barde son récit de références cinématographiques, dont les plus constantes demeurent David Lynch et le Projet Blair Witch, littéraires, et notamment Lovecraft mais aussi Molière car il paraphrase la célèbre réplique de l'auteur "Le petit chat est mort", ainsi que musicales, essentiellement techno, jungle voire rap. Il est rejoint au fil du récit par une bande de jeunes composée de Gabi, Jijou, Bruno et son frère Rafaël, Gonzalez, Cédric et enfin de la délicieuse Justine, avec lesquels il forme la "Justice League of Tourville". Pourtant, il est vivement recommander de feuilleter délicatement les premières pages de ce roman car il n'existe aucune alternative : on aime ou on déteste, la demi-mesure n'est pas de mise ici. On peut crier au génie comme au scandale, tout est une question de point de vue. Ce qu'il y a de certain c'est que les ingrédients qui le composent sont le sang, la violence, la pornographie, cependant rien que l'écrire est trop réducteur pour qualifier ce mystère littéraire. Depuis quelques temps, apparaissent dans la littérature des oeuvres que l'on peut qualifier de visuelles. Elles se présentent de manière cinématographique, c'est-à-dire avec des descriptions de plans comme s'il s'agissait de scènes de films et s'apparentent, la plupart du temps, a de grosses productions rythmées par une bande-son adéquate. Ceci est visible dans les oeuvres de Philip Le Roy ou plus récemment dans les livres de la collection Club Van Helsing pour ne citer que ces exemples. Là, le concept est poussé dans ses retranchements puisque le personnage s'abrite constamment derrière sa caméra, qui devient un prolongement de lui-même, un prisme au travers duquel il contemple la vie, la colore. Son existence dépend de sa caméra. Sans elle il n'a plus de rôle à jouer, comme si sa seule fonction était d'être le témoin plus ou moins objectif de cette aventure hors du commun. Par ailleurs sa disparition coïncide avec l'extinction de la dernière barrette d'énergie de sa batterie. Ce constat se double d'un site accessible par le biais du Diable Vauvert et qui présente le décor, les acteurs ou encore les situations décrites dans le roman. Tourville se vit donc de façon multimédia. Ce livre s'apparente à une plongée en apnée dans les méandres de l'âme, on se surprend parfois à interrompre sa lecture pour reprendre son souffle car il est resté suspendu aux paroles du protagoniste. On a affaire à une sorte d'hyperbole de la vie actuelle : toujours plus vite, toujours plus haut. On a presque l'impression de participer à une surenchère. En tout cas, ce roman n'a rien d'anodin de n'importe quelle façon qu'on l'interprète : oeuvre moderne destinée à un certain public, plutôt jeune, et qui se veut essentiellement choquante ou bien oeuvre quasi philosophique, éclairant d'un coup de projecteur notre façon de vivre actuelle, ainsi que les dérives d'une société. À la manière du film de David Cronenberg, ExistenZ, l'auteur flirte avec les limites de la réalité. On ne sait jamais si Jean-Louis évolue dans le monde actuel, s'il effectue un voyage en schizophrénie ou bien encore s'il fait un "bad trip" du à l'absorption de drogues aux effets divers et variés. Tourville donne l'impression de vivre en circuit fermé, d'exister sur une boucle temporelle de laquelle on ne peut s'extraire. Les personnages semblent prisonniers et condamnés à suivre la voie tracée pour eux telle une spirale infernale dont la seule délivrance est la mort. Cette oeuvre est quand même bien ancrée dans son époque avec les références aux jeux vidéos, la télé-réalité, un certain regard sur la vie en banlieue et le cosmopolitisme qui compose la France. Il incombe à chacun de se faire une opinion car il semble assez complexe de porter un jugement, une sentence définitive dans un sens ou un autre sur ce livre de fin du monde.
Ecrite par , le 18 Septembre 2007 à 13:09 dans la rubrique .
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