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L'âme du Kyudo |
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Hirata, Hiroshi Edition : Delcourt, Collection : Samouraï
2007, 460 pages
ISBN : 978-2-7560-0630-7
19,90 € |
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Kyôto, l'immense temple du Sanjûsangen-dô, où mille statues de Bouddha sont à contempler, fait l'objet de la rivalité des samouraïs. Non pas pour le conquérir, mais savoir s'ils sont capable de tirer une flèche d'un bout à l'autre du long corridor extérieur, soit une longueur de 120 mètres, soit soixante-six ken, trente-quatre piliers et autant de poutres d'appui sur l'auvent. Premier à l'avoir fait durant une journée entière en 1606, Heibé Asaoka en fit traverser cinquante-et-un. La renommée de ce guerrier déjà nationalement connu pour ses exploits lors de la bataille de Sekigahara grandit encore d'un coup, et de nombreux autres samouraï tentèrent leur chance. Ainsi naquit l'épreuve du Tôshiya. Année après année, les records étaient battus. Vint le temps où le nombre de flèche devint si grand que nombre de participants échouaient. De honte, ils se faisaient seppuku* de peur que leur clan ne soit atteint par cet échec. Les fiefs les moins puissants voyant le nombre de leurs officiers talentueux diminuer cessèrent de participer au Tôshiya, mais les deux plus importants, les Kii et les Owari, continuèrent une lutte que l'on pourrait qualifier de fratricide, vu que les deux seigneurs étaient frères. Le fief Kii est maintenant en disgrâce, car c'est son rival, Owari, qui détient le record avec cinq mille quarante-quatre flèches passées. Ils décident alors de mener une vaste campagne d'entraînement des roshis** afin de battre ce record. Ce faisant, des accidents sont survenus. Aussi Kanzaemon Hoshino, simplement appelé Kanza à l'époque vu sa jeunesse, voit son père tué par une flèche perdue. Ni une ni deux, il rend la flèche perdue à l'instructeur de cette division... en plein milieu du front. Le maître Obayashi arrive sur ces faits et ordonne le jugement du jeune officier de rang inférieur. Le seigneur est face à un dilème : il a grand besoin de bons archers pour participer au Tôshiya. Il propose alors à Kanza de participer à une épreuve : s'il touche une cible située à 120 mètres de lui, il sera lavé de ce meutre, sinon il mourra par décapitation. Le jeune homme conscient de l'énorme difficulté de la tâche, et géné par la pression, tendra son arc jusqu'à ce qu'il en tombe épuisé. Hirata Hiroshi est un maître dans l'art du gekiga, un genre de bande dessinée japonaise un peu différente du manga dans le sens où le trait est extrèmement réaliste et créé exclusivement pour les adultes. Ils racontent en outre des drames, contraîrement au côté plus humoristique porté par le manga. Véritable maître de ce genre, il est l'auteur de nombre de séries portant sur les guerriers officiant pendant la période médiévale japonaise. Parmi ces titres, des références comme Satsuma, l'honneur des Samouraï ou encore L'âme du Kyudo font l'unanimité. Ces quatre cent trente-six planches ont été réalisée à une époque où les trames n'existaient pas encore, et prépubliées hebdomadairement vers la fin 1969 à la fin 1970, un exploit en soi. En particulier lorsque l'on regarde la finission des planches : les premières pages parlent d'elles même. Le temple Sanjûsangen-dô se dévoile sur des double pages avec la précision de photographies à une époque où l'imagerie informatique n'existait pas. Avec autant de contraintes, on peut comprendre l'énormité de la tâche, effectuée avec à peine deux assistants. Dans un commentaire en fin de livre adressé au public français, Maître Hirata explique son parcours plein d'embûches. Lorsque l'on lit tout cela, ainsi que les commentaires précédents laissés par son rédacteur responsable - qui s'occupait aussi d'Osamu Tezuka pour l'anecdote - l'on comprend que le manga n'est pas que commercial, mais bien un art de vivre, et un métier extrèmement difficile qui réduit la vie privée à peu de chose. Notons que France 2 a réalisé un reportage sur le manga dans son magazine Envoyé Spécial. Une bonne partie de cette émission était d'ailleurs centrée sur Hirata Hiroshi, chez lui au Japon, puis lors de son voyage en France, première fois à l'âge de 70 ans ! Au passage, je vous conseille de visionner ce reportage fort bien fait, et à l'opposée des discours des années 90 sur l'amalgame manga - violence (et j'en profite pour glisser un message personnel : merci Clark !) Revennons sur cette oeuvre plus précisemment, en rappelant qu'il ne s'agit pas à propremment parler d'une fiction, ces faits relatés sont exacts. L'âme du Kyudo, c'est un titre fort dans le sens où il désigne cette passion qui a animé des centaines d'individus qui se sont entraînés jour et nuit dans un seul but, une compétition. Ils y perdaient tout, la famille, parfois l'honneur. Tout cela pour ce tir à l'arc façon nipponne. Un arc à double courbure, assymétrique de surcroit, très loin de l'arc occidental. Ce kyudo n'est pas le tir pour tuer lors des combats, mais un art martial à part entière. Les rituels y sont tout aussi nombreux, surtout dans ce contexte médiéval. Les sacrifices liés au Tôshiya vont loin, plus loin que la personne même du kyudoka***. Ainsi les familles, les habitants du fiefs eux-même perdaient sang et eau à fournir le prix que coûtait l'organisation de cette compétition. Un descendant d'une des familles d'administrateurs de l'époque réexplique dans un texte ce que l'auteur dévoile dans certaines histoires passées. Je pourrais continuer à vous parler des heures de ce titre, mais le tout peut-être finalisé en une phrase : on ne ressort pas de cette lecture tout à fait pareil qu'en la commençant. A mettre dans toutes les bonnes mangathèques indéniablement ! * suicide rituel, connu sous le nom de Hara-kiri en France. ** officiers parmi les samouraïs sous les ordres d'un seigneur. *** pratiquant le kyudo.
Ecrite par , le 12 Juillet 2007 à 07:07 dans la rubrique .
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