Destination : Vide
		Herbert, Frank Edition : Le Livre de Poche, Collection : Science fiction 2006, 416 pages ISBN : 978-2-253-11134-4 7,50 €

Ils sont quatre, réunis à bord de Terra officiellement afin d'atteindre Tau Ceti et l'une de ses planètes habitables. Cependant après la mort de certains des membres de l'équipage et l'obligation de débrancher leur dernier Noyau Psycho-Organique, John, Prudence, Tim et Raja se posent la question de savoir quel est le but réel de leur mission à bord de cette gigantesque nef. De plus, ils doivent protéger les embryons à bord ainsi que les personnes attendant dans leurs hibernateurs le moment d'être ramenées à la vie afin de coloniser la nouvelle planète mise à leur disposition.

Destination : Vide est la réédition d'un classique de Frank Herbert et le premier volet du Programme Conscience qui en compte quatre en tout. Une des premières remarques que l'on puisse faire à propos de ce livre concerne l'aspect physique : on ne peut que s'extasier sur la magnifique couverture de Manchu (avis tout à fait partial, personnel et assumé). La seconde remarque, moins intéressante, se fera sur la fragilité du pelliculage qui n'a pas résisté à deux voyages dans un sac à main. Dommage pour un livre de poche dont c'est la vocation première.

Ce roman met en scène un vaisseau dont l'équipage est composé de clones, denrées sacrifiables à l'envie et reconnaissables à la particule " Lon " ajoutée à leur nom. Ils sont au nombre de quatre : John Lon Bickel ou " organe d'analyse " qui va très vite prendre le commandement de l'équipe, Raja Lon Flatterie, psychiatre-aumônier de son état et accessoirement chargé de faire exploser le vaisseau si d'aventure l'expérience prenait une tournure trop dangereuse. Il est également une sorte de caution morale du fait de son statut de gardien de la religion, son rôle étant de poser des limites à la créature qu'ils sont censés engendrer. Gerrill Lon Timberlake, ingénieur des équipements biofonctionnels, chargé, par le fait, de la protection des occupants des hibernateurs. Enfin il y a Prudence Lon Weygand docteur en médecine mais qui possède aussi une formation d'écologiste et d'informaticienne. Son but principal est de découvrir le stimulateur sélectif de conscience.

Dans ce roman, Herbert met en scène des rats de laboratoire humains ainsi qu'une expérimentation grandeur nature avec introduction de paramètres spécifiques. Chaque clone a une mission à poursuivre dont les autres n'ont pas forcément connaissance. Tous ont un rôle à tenir, un comportement à avoir, une attitude à adopter. Les membres de Lunabase, les instigateurs de la mission Terra, traitent l'humain comme une machine afin de parvenir à créer une machine reproduisant la conscience humaine. Même si ce livre est difficilement accessible aux non-initiés du fait de la complexité des concepts physiques et mathématiques manipulés, le problème de fond reste appréhensif par tout un chacun, à savoir la question éthique que pose la production d'une intelligence artificielle. Certains spécialistes, grands connaisseurs de ce sujet, trouveront peut-être cette uvre dépassée mais les autres seront face à un roman passionnant, enrichissant qui pose de vraies questions de fond comme celle-ci par exemple : comment peut-on réserver une place aussi privilégiée à la religion et dans le même temps créer des vies sous forme de clone et les sacrifier sur l'autel de la science sans éprouver le moindre remords ? De plus, ce livre met en lumière le problème complexe que représente la définition de la conscience humaine ainsi que de ses composantes. Il montre l'épais mystère entourant encore les connaissances à propos du cerveau et de son fonctionnement. Malgré l'aspect aride, le vocabulaire et les notions très scientifiques, cette uvre, où plane les spectres du Docteur Frankenstein et de sa créature, représente un tournant majeur dans l'univers de la science-fiction ou du moins un classique du genre.

À redécouvrir sans délai.