Juste Vengeance
		Tracy, P. J. Edition : Presses de la Cité, Collection : Sang dencre 2006, 376 pages ISBN : 2-258-06717-0 20 €

Après quelques mois de tranquillité et d'inactivité relatives au niveau des homicides, le crime reprend du service et les inspecteurs Gino Rolseth et Leo Magozzi se trouvent confrontés au cadavre de Morey Gilbert, pépiniériste de son état, octogénaire et paisible. Considéré comme un héros, voire un saint dans la ville, personne ne peut imaginer qu'un tel homme puisse avoir un ennemi.

Parallèlement à ce meurtre, le corps d'Arlen Fischer est retrouvé ligoté sur la voie ferrée. Aucun lien en apparence entre ses deux affaires aux modes opératoires très différents si ce n'est l'âge des victimes. Les inspecteurs se voient contraints de passer la vitesse supérieure avant que la panique ne s'empare de toutes les personnes âgées surtout lorsque le corps de Rose Kleber, parfaite grand-mère gâteau, est à son tour découvert à son domicile.

Ce polar relativement aseptisé se passe dans le Minnesota et se déroule selon une trame somme toute assez classique car on devine assez facilement tout un pan de l'intrigue et parce qu'il se termine comme il se doit sur un dernier coup de théâtre. Les personnages principaux, les inspecteurs Magozzi et Rolseth se fondent aisément dans ce moule en tenant le rôle du tandem de choc : différents mais néanmoins amis et complémentaires. Le premier, Leo Magozzi est très carré, respectueux des règles et du protocole. Sa plus grande crainte est de commettre un manquement aux convenances, une faute de goût. Le second, Gino Rolseth est un bon vivant qui adore manger et élaborer des théories toutes plus extravagantes les unes que les autres. Gentil mais beaucoup moins bien élevé que Leo, il est aussi délicat qu'un char d'assaut. Il y a aussi Marty Pullman, ancien policier qui a quitté son travail à la suite du meurtre de sa femme, Hannah dont il n'arrive pas à se remettre et qui a sombré dans l'alcool dans l'espoir de noyer son chagrin. L'Etat du Minnesota et ses conditions météorologiques très particulières peuvent aussi être considérés comme des héros à part entière car ils sont très interventionnistes dans cette histoire. Les personnages secondaires sont également intéressants et notamment Lily Gilbert la veuve de Morey qui possède un caractère et une personnalité bien trempés et qui est décrite comme étant le sosie de maître Yoda.

Ce polar est essentiellement axé sur la définition du bien et du mal, sur les multiples facettes qui composent un être humain et démontre qu'il est compliqué de prétendre connaître qui que ce soit. Il joue aussi sur la définition de chacun du Code de l'honneur et de l'idée de justice. Il représente un jeu de cache-cache : il y a une énigme dans l'énigme et l'équation comporte plusieurs inconnues. Il est évident qu'une bonne partie du roman est consacrée à la découverte de l'identité du meurtrier mais il y a plus. Il est en effet nécessaire de mettre à jour les secrets de chacun car les apparences sont trompeuses. Personne n'est tout blanc ou tout noir et aucun des personnages n'est, en réalité, ce qu'il semble être. Magozzi a beau être à cheval sur les convenances et ne pas pouvoir sortir sans un veston de peur de commettre un outrage à la bienséance, il laisse Grace McBride enfreindre la loi grâce à son logiciel pour lui permettre de résoudre son enquête plus rapidement. Lily Gilbert n'est certes pas aussi insensible qu'elle en a l'air, trop pour être innocente selon Gino. Elle est simplement une personne en souffrance qui refuse de se laisser submerger par ses émotions.

Le thème choisit est une démonstration de cette réflexion car le nazisme et ses conséquences entraînent des réactions passionnelles chez les personnes les plus raisonnables. Certaines estimeront que la croisade menée contre les membres de ce régime est juste quel que soit le procédé et les méthodes utilisées, uniquement parce que les actions sont dirigées contre d'anciens nazis ayant fui l'Allemagne et leur jugement devant un tribunal de guerre.

Un roman policier écrit à quatre mains qui n'a rien de transcendant et qui ne bouscule pas les habitudes du genre mais qui est plaisant à lire et qui permet à chacun de réfléchir, de se faire une opinion sur son sens de la justice sans parti pris.