Le Dragon de Feu (Reine de Mémoire - Tome 2)
		Vonarburg, Elisabeth Edition : Alire 2006, 623 pages ISBN : 2-89615-051-X 22,50 €

Le temps passe pour Senso, Pierrino et Jiliane. Leur univers s'ouvre à eux et prend une nouvelle dimension. Que ce soit à Aurepas ou à Lamirande en été, ils prennent mieux conscience, à force de découvertes et de rencontres, du monde qui les entoure et des questions de leur temps. L'Encyclopédie, l'ambercite, l'Embargo et l'Edit de Silence deviennent pour eux des termes familiers à mesure qu'ils franchissent conjointement les différentes étapes de l'adolescence. Cela, ils le doivent à Grand-père qui, pour parfaire leur éducation, les envoie à la découverte de la société aurépasienne, façonner leurs esprits auprès de certains grands noms de ce siècle des Lumières revisité. Paradoxalement, le sujet sur lequel ils en apprendront le plus est incontestablement celui de leur propre famille.

Mais l'exploration ne sera pas que celle de l'Esprit et de la société, elle est également celle du corps et des sentiments. Après avoir exploré le lien qui les liait tous les trois, ils en exploreront d'autres qui les attacheront au monde extérieur. La conjugaison de ces nouveaux liens et de leur fil d'or personnel deviendra une des questions prédominantes au fur et à mesure que l'âge adulte approche, surtout pour les deux jumeaux.

Jiliane reste discrète, elle a d'autres préoccupations, des choses qu'elle ne partage ni avec ses frères, ni avec Grand-père ni même avec Grand-mère, avec qui elle est pourtant devenue très proche. Ses rêves, ses terribles rêves sont toujours là. Elle y voit les monstres parfois, mais la plupart du temps, elle y suit l'ancêtre Gilles qui, tout comme elle et ses frères, explore le monde et ses différentes sociétés.

Le Dragon de Feu marque indéniablement l'expansion du monde parallèle mis en place par Elisabeth Vonarburg. On en apprend davantage sur sa géographie, ses peuples, son histoire, mais aussi et surtout ses courants de pensées. On baigne en plein siècle des Lumières, les débats autour de la raison ou sur le savoir sont nombreux et viennent s'ajouter à ceux d'ordre religieux qui caractérisaient La Maison de l'Oubli. Cette suite demande une plus grande culture (ainsi que de l'intérêt pour cette époque et ses questions) de la part du lecteur, car elle nous plonge plus profondément encore dans ce monde, lui donne du volume, un espace qui ne se ressentait pas autant dans le tome précédent.
En revanche, le style de l'auteur ne change pas, il demeure impeccable et toujours aussi fluide, malgré les difficultés de la narration dues à l'évolution des personnages. Leur langage, leurs caractéristiques propres comme leurs intérêts évoluent alors qu'augmentent les années et la narration s'y adapte sans peine.

Surtout, ce qui reste l'une des grandes forces de cette histoire, c'est cette force tranquille, ce suspens latent qui envoûte et qui fait que l'on se laisse pousser par la narration vers un but et un dénouement impossible à deviner (ce qui, de l'avis général, est de plus en plus rare en littérature).
Surprises, émotions et plaisir de lire sont au rendez-vous, autant de raisons pour ne pas passer à côté cette oeuvre.