Cet endroit dans le brouillard (Coq de Combat - Tome 1)
		Hashimoto, Izo & Tanaka, Akio Edition : Delcourt, Collection : Akata 2003, 214 pages ISBN: 2-84055-959-5 7,13 €

Agé de seulement seize ans, le jeune et frêle Ryô Narushima est incarcéré au pénitencier d'Ajigasaki où il devra purger les deux ans auxquels il a été condamné pour le meurtre de ses parents. Plus que l'horreur du massacre en lui même, l'affaire défraye la chronique et soulève une grande agitation dans tout le pays par son caractère inexplicable. Le milieu aisé de la famille, les excellents résultats du jeune homme ainsi que son comportement ; tout donnait l'impression dune vie idyllique.

Mais cela n'était qu'une apparence. Incarcéré et traité comme un monstre, Ryô n'est pas pour autant accepté par les autres criminels du pénitencier. Au contraire, même les pires de ces délinquants en viennent à haïr le jeune homme qui a bravé un tabou par son double parricide. Confronté à l'univers de la prison et à sa violence extrême, Ryô devra se faire les griffes afin de ne pas être dévoré.

Attention, manga violent ! Non, ce n'est pas pléonasme.
Si les préjugés ont la vie dure, le lecteur européen connaît bien maintenant la très grande diversité de ce genre littéraire.
Ainsi, le choix des éditions Delcourt de proposer une oeuvre aussi choquante n'est ni une erreur, ni une provocation visant à faire polémique.
Comme l'indique leur avertissement au dos du volume, ainsi que leur excellent commentaire de fin, ce manga n'est pas à mettre entre toutes les mains. On parle ici de qualité et non de quantité ; tant pour le produit que pour le public qu'il cible. Car, la violence présentée n'est jamais gratuite, mais malheureusement   ô combien réaliste. 

Meurtres, viol et souffrance, tel est le contenu du scénario. Cependant, on aurait tort de s'arrêter à cette façade, car le lecteur avisé comprend vite que l'auteur tire un parallèle révélateur entre l'univers carcéral et la société japonaise actuelle. Ryô se trouve oppressé dans ces deux univers. Le viol physique qu'il subit de la part de ces codétenus débouche sur la même réaction que la torture mental que sa famille lui infligeait - l'utilisation de la même arme, le couteau, en est la preuve. Mais cette violence défensive qu'il manifeste primitivement face à ces dangers ne peut le mener qu'à l'animalité on sera à ce propos particulièrement sensible à l'apparition de divers animaux lors de ces scènes dégradantes.
Il faut canaliser ses pulsions destructrices, les maîtriser pour se maîtriser et se construire. Le Karaté que notre héros découvre en prison lui permet de se défendre et de s'affirmer. A travers la pratique d'exercices physiques, l'esprit se renforce autant que le corps. Car, derrière la dénonciation sociale se cache un manga de combat, à moins que cela ne soit l'inverse...

La dimension réaliste que nous avons remarquée précédemment se retrouve dans les affrontements, puisque cette oeuvre est la première du genre à nous offrir un tel spectacle : les phases de combat sont crues et changent radicalement des autres productions que l'on a l'habitude de lire. Le graphisme est également particulier. Chaque image est détachée des autres ce qui renforce l'univers carcéral dans lequel se trouvent les protagonistes les cases devenant ainsi une nouvelle prison.

Quant aux personnalités des divers protagonistes, elles sont toutes très travaillées ; celle de Ryô s'avère surtout d'une complexité rare pour un manga. Comme tout homme, notre héros est partagé entre le bien et le mal. Or, à l'image de sa main habitée par « un Dieu ou un démon », le lecteur ignore encore à la fin du volume qu'elle sera la conduite de ce personnage.

Pour toutes ces raisons, Coq de combat s'avère donc un des mangas les plus surprenants de ces dernières années. Un chef-d'oeuvre à découvrir et à apprécier de toute urgence. Mais,   faut-il encore le rappeler ? , cette lecture n'est pas à mettre entre toutes les mains !