La Compagnie des Glaces (Tome 6)
		Arnaud, G.J Edition : Fleuve Noir 732 pages ISBN : 2-265-06392-4 11,69 €

Lien Rag a disparu depuis dix ans maintenant, pourtant Yeuse, son ancienne compagne mariée à l'écrivain R et Jdrien son fils métis cherchent toujours à éclaircir le mystère qui entoure son absence. Est-il réellement mort exécuté par la secte des  Éboueurs de la Vie éternelle ?

De leur côté, les Rénovateurs du Soleil ont une politique de plus en plus agressive. Ils possèdent maintenant un grand nombre de dirigeables qu'ils utilisent comme des armes afin de bombarder les installations ferroviaires des différentes compagnies et notamment celles de la Compagnie de la Banquise. Par défi, ils se sont autoproclamés « Compagnie Internationale des Dirigeables de la Fraternité », dénomination qui est un véritable pied de nez adressé aux  puissants dirigeants. Liensun, sous l'égide de Ma Ker fait irruption dans la Compagnie de la Banquise afin de rassembler des sympathisants à leur cause.

Le kid, plus politicien que jamais, se fait désormais appeler Président. Il fait nommer Yeuse au poste d'ambassadrice de la Compagnie auprès de la Transeuropéenne dans le but de l'éloigner et celle-ci, accompagnée du journaliste Zeloy va enquêter sur la vie de Lien.

Ce volume VI marque le début du deuxième cycle de la Compagnie des Glaces, début assez mou il faut bien l'avouer, dont la cause principale est la mise en place des nouveaux éléments du récit ainsi que des personnages. Il est, de fait, essentiellement descriptif ce qui donne l'impression d'un manque de rythme et d'action. On y trouve la confirmation de la mutation du Kid, devenu politicien hors pair,  maniant la langue de bois et maintenant la population sous le joug du politiquement correct par le biais du langage et de certaines lois comme celle imposant de ne pas regarder vers le ciel sous peine d'être accusé de collaboration avec la secte des Rénovateurs. Le Kid voulait faire de sa Compagnie une démocratie mais celle-ci croule sous un grand nombre d'interdictions et la pratique de la censure sur les informations est devenue monnaie courante. En somme, on assiste à la mise en forme d'une critique sociale.

Les Rénovateurs cristallisent la haine en endossant le rôle d'ennemis publics numéro un à cause de leur agressivité. Ils se sont transformés en véritable armée qui combat l'hégémonie ferroviaire à l'aide de dirigeables mais également en créant des commandos de parachutistes. Ils s'affranchissent ainsi de la dictature du rail et représentent des ennemis puissants et craints de la population comme des dirigeants. Dans la Compagnie du Kid cela devient un prétexte à interdire toute forme de culture sous le motif que les artistes sont sensibles au discours des Rénovateurs. On fait arrêter les intellectuels et on laisse la peur rendre les gens obéissants et réceptifs. Ils ne pensent plus qu'à se distraire, à se nourrir et combattre le froid sans percevoir les implications des différentes lois instaurées par leur Président. On les métamorphose lentement mais sûrement en moutons. Étant donné la situation actuelle, on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement de manière assez dérangeante.

Malgré la présence de Jdrien, plus à même de prendre la succession de son père, ce dernier fait cruellement défaut à ce roman. Pour preuve, il demeure le personnage principal du récit alors que dix ans se sont écoulés depuis sa disparition. À l'instar du Kid, La Compagnie des Glaces devient plus politiquement correcte en perdant sa dimension érotique, envolée en même temps que Lien Rag et sa libido. En dépit des énigmes, des mystères et des incertitudes  qui planent encore, les personnages sont moins intéressants, moins charismatiques que Lien. De plus, l'auteur émet des hypothèses abracadabrantes qui font perdre de la crédibilité à son histoire. On pouvait penser que le renouvellement de l'intrigue et l'annonce de l'affrontement inévitable entre Jdrien, devenu Messie des Roux et Liensun, dont le rôle au sein des Rénovateurs prend de l'ampleur, seraient salutaire et bénéfique mais il n'en est rien et on se prend à regretter Lien Rag et ses combats. Dommage.