Armaggedon, La Comédie Musicale
		Rankin, Robert Edition : Bragelonne 2005, 304 pages ISBN : 2-915549-40-0 20 €

La planète Terre a été ravagée par le HNU ou Holocauste Nucléaire Universel. Tous les humains ont acquis un beau teint verdâtre, vivent dans des bunkers et ne sortent que revêtus de combinaisons anti-radiations. L'objet de vénération de cette nouvelle génération est le poste de télévision qui permet d'obtenir des crédits proportionnels au temps de visionnage des programmes. Le héros de ces nouveaux hommes est la cinquante troisième réincarnation du Dalaï-Lama, Dan, sévissant sur la chaîne Némésis. Là où l'histoire se complique un tantinet c'est lors de l'entrée en scène des Phnaargs, peuple extra-terrestre très développé sur le plan technologique qui, pour se distraire, diffuse une série de télé-réalité intitulée « Les Terrestres » dont les sujets sont le mode de vie et l'évolution des êtres humains. Ainsi ont-ils mis en place l'Apocalypse nucléaire afin de faire remonter leurs courbes d'audience qui ont une fâcheuse tendance à décliner.

Ce roman est, avant tout, un grand n'importe quoi humoristique et absurde, totalement imprévisible, dont une des vocations premières est de prendre la plus grande liberté vis-à-vis de la crédibilité littéraire. Cependant, l'auteur désamorce toute volonté critique en exposant l'énormité des procédés utilisés et en faisant des apartés vis-à-vis du lecteur. Les personnages sont hauts en couleur et, pour la plupart des loosers magnifiques à l'image de Rex Mundi. Rankin n'hésite pas à revisiter la théorie de l'évolution, si nous n'avions pas été envisagés comme émission de télé-réalité par des extra-terrestres... nous en serions encore au stade de chasser le mammouth, ou bien encore à instaurer de nouveaux principes théologiques (il faut lire le livre pour comprendre le rôle du Dalaï-Lama ou bien encore de Christeen).

Malgré tout, ce livre, aussi burlesque soit-il, demeure une parabole du mode de vie actuel (temps passé devant la télévision, recherche du pouvoir, conditionnement des cerveaux pour pousser le téléspectateur à consommer tout en l'empêchant de trop réfléchir etc.) ainsi qu'une mise en abyme : un peuple spectateur de son petit écran devenant lui-même le spectacle d'un peuple extra-terrestre et se résumant finalement à un taux d'audience totalement déshumanisant. On peut aussi y voir une  réflexion (certes légère) à propos de la destinée par le biais du personnage d'Elvis Presley car les ennuis commencent à partir du moment où quelqu'un décide de modifier son destin. Le style est à l'image du roman, familier, parfois confus. Ceci est visible dans les dialogues dont on a du mal à discerner le locuteur de l'interlocuteur, notamment à la page 176, lors de l'entretien entre le barman et Rex.

Sans conteste, il s'agit bien d'un roman de Robert Rankin, le fort taux de présence de l'absurde en atteste. Pourtant, ce livre est nettement moins intéressant et abouti que le Livre des Vérités Ultimes, probablement parce qu'il lui est antérieur. Il est moins performant et on peut légitimement supposer que l'auteur a amélioré son style ainsi que son écriture depuis (ce roman date de 1988 alors que les Vérités Ultimes date de 1994 ). Si vous souhaitez découvrir Rankin et vous faire une idée exacte de sa littérature mieux vaut commencer par une autre de ses oeuvres sous peine d'être fortement déçu. Ce roman est au mieux distrayant, au pire confus et embrouillé.