Chromozone (Chromozone - Tome 1)
		Beauverger, Stéphane Edition : La Volte 2005, 283 pages ISBN : 2-9522217-15 18 €

Les marxistes Apostoliques ? Concept marketing. Les Soubiriens Révélés ? Une association de deux mots antinomiques pour un groupe communautariste faussement novateur. Les Commis de Saint-Jean, Zentech, Les Sicaires de l'Hégire ? Autant de termes vides de sens destinés à camoufler l'agonie des systèmes sociétaux dans une Europe dévastée par un nouveau type de virus électronique. Attention chaud devant : les éditions La Volte perpètrent un second forfait : Chromozone, roman sauvage, oeuvre enzymatique, portrait jusqu'au-boutiste d'un futur sombre et grinçant signé Stéphane Beauverger.

Le papier à lui seul annonce un roman d'exception. Idem pour la couverture, une repro de synapse ou un truc dans ce genre. Idem pour les illustrations en ouverture des chapitres, illustrations signées Corinne Billon. Avant même de lire la première ligne, on se trouve donc sous le charme d'un véritable livre-objet. Le contenu ne dément pas ces promesses implicites.

Décomposé en trois grandes lignes narratives, le récit propose de suivre en alternance la vie de trois personnages en course vers un même point de fuite. Teitomo, un milicien asiatique sur la corde. Gemini, déporté en Bretagne dans un camp de concentration. Justine, ancienne révolutionnaire désormais à la direction d'un des grands consortiums de demain.
Tous trois ont goûté, à leur manière, au renouveau extrémiste qui fait désormais loi dans cette nouvelle Europe atomisée par la mort des grands systèmes informatiques. Tour à tour victime ou bourreau d'une sarabande aux slogans pseudo-prophétiques, ils sont les prêtes-voix d'un monstre néo-libéral exsangue mais increvable, ou au contraire les ferments d'un mouvement émancipatoire inconscient de lui-même. Le lecteur choisira.

Dans tous les cas, il faut souligner la dimension politique du roman Chromozone qui, à la manière du virus éponyme, distille via les pupilles son bouquet d'aromates anarcho-compulsives. Les personnages sont là pour travailler l'empathie, les scènes d'ultra-violence pour faire tomber nos défenses immuno-critiques, le talent stylistique pour gonfler la rythmique et finir d'emporter le lecteur dans la zone du post-moral.

Contagieux par nature, Chromozone possède son lecteur dès la première prise de contact. Une réédition très bienvenue pour un roman-virus majeur. Quant aux titres des deux séquelles, Les Noctivores et La Cité nymphale, prévues pour 2005-2006, elles laissent présager une densité narrative d'un ordre au moins équivalent.