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Sunk |
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Calvo, David & Colin, Fabrice Edition : Les Moutons Electriques
2005, 192 pages
ISBN : 2-915793-02-6
13 € |
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Sébastien et Arnaud en ont un peu marre de bouffer de la tarte aux caillous et de se partager chaque nuit la même demi-couette. De plus, ils s'ennuient ferme, faut bien l'avouer. Alors, quand ils apprennent qu'on recherche des jeunes gens motivés pour franchir la Grande Barrière des Nuages, ils décident de se porter volontaires. Faut dire aussi que l'eau monte vraiment très vite autour de l'île de Sunk et que d'ici peu, leur village ne sera plus qu'un ensemble de planches flottant... Stop, je n'en dis pas plus sur l'intrigue. A vous de voir si vous souhaitez tenter l'aventure de Sunk, et vivre un moment de lecture innoubliable et fort, ou non. Place au ressenti. Parce que sur ce point y a beaucoup à dire. Sunk, en effet, est un roman bi-goût, à savourer comme un malabar vanille/fraise. Côté fraise, il a le goût d'un Pratchett fourré à la dynamite. Son signe astrologique est alors le scorpion. Auto-destructeur, il saborde allègrement tous les codes de la fantasy, écorche avec un malin plaisir les topos narratifs (de la quête chevaleresque à la baston de taverne) et ruine d'entrée de jeu une hypothétique héroïque du récit sous une déferlante de personnages plus miséreux et opportunistes les uns que les autres. A la manière d'un collage de Schwitters, les deux compagnons d'écriture récupèrent des bouts de PJ usés (barbare débile, amazone pulpeuse) pour les réduire en bouillie deux pages après, incorporent des éléments de décors tout droit tirés du dernier vide-grenier de Villeneuve-Saint-Georges et mélangent le tout avec divers morceaux de pizzas aux anchois. Le résultat est à la fois décalé, hétéroclite et... succulent ! Côté vanille, on frôle le pur tragique. Aussi inexorablement que l'eau, Calvo et Colin poussent leurs personnages dans leurs derniers recoins, sans leur faire grâce du moindre répit. Ici, l'ironie et la dérision se savourent comme des anesthésiques innatendus, grâce auxquels les personnages et le lecteur peuvent feindre le détachement. Car ici, on assiste à rien de moins qu'une succession de drames personnels et intimes, chose tout à fait innatendue en fantasy, et pourtant admirablement mise en scène... sous le vêtement de l'absurde et du grotesque. Le style BD, complété par de nombreuses illustrations intégrées au corps même du texte (merci Arnaud Cremet), empêche cependant de jamais tomber dans le misérabilisme. Si bien qu'on finit par avoir l'impression de lire sur le fil d'un rasoir, sans jamais savoir si l'on doit tomber du côté des rires ou des larmes. Ils auraient pu choisir la métaphore du chronomètre fou, engagé dans un décompte irraisonné vers le zéro zéro zéro. Ou pourquoi pas le motif des métaux corrodés. Ou la grande lassitude des philosophes enfin. C et C, David Calvo et Fabrice Colin ont préféré la montée des eaux pour décrire la course effrenée de Sébastien et Arnaud face à la mort qui monte, qui monte, et menace de les emporter dans l'oubli. Du début à la fin, ils ont composé un chef d'oeuvre. Une fois de plus, Les moutons électriques démontrent ainsi la qualité de leur ligne éditoriale, avec un roman hors normes, puissant et léger.
Ecrite par , le 21 Avril 2005 à 08:04 dans la rubrique .
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