Vous avez le droit d'être de mauvaise humeur... mais prévenez les autres !
		Robinet, Céline Edition : Au Diable Vauvert 2005, 244 pages ISBN : 2846260761 17,50 €

La dame Pipi, la dame Pipi, chasse à la dame Pipi. On lui tend des pièges, on guette sa fille à la sortie du metro, on la fait cocue ! Cocue la dame Pipi ! Allez on change d'idée, on mange , on préfère dîner. Tiens, pourquoi pas un bras rôti à la broche, ou une délicieuse côte d'humain ? D'abord on commence par ne plus aimer les légumes, on se fait des fricassées de dinde accompagnées de rognons en salade de cervelat, et puis un jour hop, on passe à quelque chose de plus consistant : son petit copain par exemple, hein, pourquoi pas ?

Céline Robinet a une machine à moudre les mots dans la caboche. Ca lui permet d'infanter la langue, de perturber dans le permutage. Vous avez le droit d'être de mauvaise humeur, mais prévenez les autres peut se lire comme un exercice de style tout comme un recueil de nouvelles. On comprend pourquoi Céline Robinet fait du slam, avec une pareille agilité du verbe, à moins que ce ne soit l'inverse. Dixlexie, cafouillage franchouillard recherché, tendances oulipiennes qui débordent , ça débarde par tous les orifices.

Orifices, vous avez dit orifices ? Ben oui, les thèmes sont souvent scatos, uros et sexos phoniques. Exemple : cette histoire d'artiste adepte du dégueuli. Pour ma part, je préfère les nouvelles où il est question de solitude et d'isolement, où les personnages principaux sont soit des schizos timides paranoïaques complusifs, les "trop peu aimés". Mais il est vrai que les thématiques se recoupant...

C'est d'ailleurs cette imbrication de thématiques (et de genres : fantastique, horreur, roman moderne, journal de bord) qui, de manière surprenante, m'a le moins plu. Parce que ce surplus expressif, qui condense des thèmes déjà riches, est souvent porté au paroxysme dans les nouvelles, au détriment de l'intrigue narrative elle-même. Résultat : on ne rit pas toujours quand il faudrait rire, car c'est un peu trop gras, et l'on ne pleure pas toujours quand il le faudrait, toujours à cause de ce même côté graveuleux. Alors disons qu'il y a dans ce recueil de nouvelles à boire et à manger, et que chacun trouvera sans doute certaines histoires qui lui conviendront, et d'autres moins...