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L'école emportée (Tome 1) |
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Umezu Edition : Glénat
2004, 317 pages
ISBN : 2-7234-4772-3
7,50 € |
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Quand il se rend ce matin-là en classe, Shô ne peut deviner que la scène de dispute qui vient une énième fois de l'opposer à sa mère sera le dernier souvenir qu'il aura de son ancienne existence. Projetés dans le futur avec l'ensemble de l'école, meubles et bâtiments compris, élèves et professeurs se retrouvent en plein désert, sous les feux d'un soleil de fin du monde. Et c'est l'entrée dans le cauchemar : lignes téléphoniques, radio, électricité, plus rien ne fonctionne. Bientôt, c'est la panique : les plus jeunes appellent à coeur et à cri leurs parents, les élèves plus âgés tentent de sortir de l'école. Professeurs et employés essaient tant bien que mal de conserver un semblant d'ordre, mais bientôt, la peur est la plus forte un professeur tente dans un geste désespéré de rétablir l'ordre en usant de la force. Il moleste un élève, puis deux, puis trois. Sous nos yeux horrifiés, une déferlante d'enfants en larmes se rue vers le portail, piétinant sans plus d'égard l'institutrice qui tentait de les arrêter. Ca y est, il y a un blessé, un mort peut-être. Un autre professeur prend alors en otage son propre fils, et lui entame le bras à l'aide d'un morceau de verre. Le geste, inconcevable, a paralysé la foule de bambins, la voilà contenue... mais pour combien de temps ? Le temps que les adultes eux-mêmes commencent à sérieusement dérailler. Que les enfants eux-mêmes se battent entre eux. Meurtres accidentels, de sang froid, ou pour la survie, l'école Yamato devient bientôt le théâtre d'un huis clos sanglant. On ne peut s'empêcher de penser à Battle Royale de Fukasaku, lorsqu'on lit ce manga. Tous les éléments horrifiques qui faisaient la singularité du film sont déjà présents. A la différence près que les enfants ici présents sont des élèves de primaire. Conséquence immédiate : le caractère insupportable des scènes de violence, où l'on voit mourir des enfants qui n'ont pas plus de huit ans. Kazuo Umezu dessine l'intolérable, s'affranchissant d'un tabou. Ici, les adultes font plus que se tuer entre eux, ils assassinent sans remords des petits garçons et des petites filles pour survivre ou, pire, par pur et simple vice. Sans doute l'ensemble ne serait-il pas aussi éprouvant (et je pèse mes mots) si le dessin de Umezu, par son caractère expressif et naïf, n'était pas là pour porter à son paroxysme la crudité de la violence. Les visages ronds et attendrissants des chérubins, leurs grands yeux écarquillés par la peur, leur bouche paralysée par la terreur, leur petit corps en recul, dérisoire face à celui d'un adulte, tout cela est magnifié par une simplicité du dessin qui réduit et porté à l'image avec grande efficacité. A voir notamment la page 54-55, où Omezu « croque » les élèves à la manière d'une photo de classe, au détail prêt que se lit sur tous les visages, garçons et filles, un sentiment d'horreur et d'incompréhension soudain. L'école emportée fut publiée pour la première fois en 1972. Habité par les ombres dHiroshima, ce manga est une véritable transfiguration dans l'imaginaire enfantin (celui de la peur du noir et de l'isolement) du traumatisme nippon. Un chef d'oeuvre de densité, fantasmatique et nervé.
Ecrite par , le 16 Décembre 2004 à 13:12 dans la rubrique .
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