La vallée perdue (Kraa - Tome 1)
		Sokal Edition : Casterman, Collection : Univers d'auteurs 2010, 93 pages ISBN : 978-2-203-02044-3 18 €

Nous sommes proches de l'Alaska, dans une région froide qui s'appelera bientôt le Klondike. Une région froide, certes, mais également très riche... De quoi attirer de plus en plus de badauds, afin de s'installer dans cette région. Avant d'en arriver là, cependant, c'est surtout la nature qui est la maîtresse des lieux. Notamment les aigles... Ces oiseaux majestueux vivent là de génération en génération, et sont de redoutables chasseurs à la vue et à l'odorat perçants... C'est le cas de Kraa, un aiglon qui vient enfin de sortir de son nid. Kraa est encore faible, mais est aidé par un indien autochtone appelé Yuma. Celui-ci vit encore là avec sa famille, notamment sa jeune soeur et son grand-père...

Mais le développement de la région ne connaît bientôt plus de limites. Les ingénieurs sont là afin d'étudier la vallée et les terrains environnants. Il y a là de larges ressources en eau potable, et de quoi faire facilement un barrage, qui se révèlera bien utile lors de la fonte des glaces. Et puis, il y a les hommes du coin, ceux qui sont chargés de la sécurité des têtes pensantes. Et le drame arrive bien vite. Tandis que Yuma s'occcupe de Kraa (et qu'un étrange lien se développe entre les deux êtres), toute la famille indienne est froidement massacrée.

Seul Yuma parvient à survivre, et à présent que la ville de Klontown est de plus en plus occupée, une seule idée anime le nouvel orphelin : la vengeance... Et en cela, un allié précieux va pouvoir l'aider. Un allié ailé qui a bien poussé depuis le temps où Yuma devait lui tuer des marmottes...

C'est à une époque révolue que nous voyageons avec Benoît Sokal avec ce premier tome de Kraa. La vallée perdue porte admirablement son nom, avec cet endroit magnifique oublié des hommes pendant tant de siècles, et où la civilisation va pourtant inexorablement s'installer... Le livre traite bien évidemment des dérives humaines inévitables qui accompagnent la venue du progrès. Il faut croire que ce qu'on appelle progrès pour les uns ne l'est pas vraiment pour d'autres.

Graphiquement, c'est à un festival de nature et de paysages grandioses que le lecteur doit s'attendre à découvrir. La nature est ici brute et impitoyable (et il faut lire Construire un feu, qui se déroule dans un cadre similaire pour prendre la pleine mesure de la chose). Les couleurs sont grandioses, bien souvent volontairement ternes pour souligner le caractère gravissime de certaines scènes.

D'un point de vue scénaristique, l'idée de suivre la voix off à travers la pensée de l'aigle est excellente : l'immersion est de ce fait totale, et les sujets graves évoqués le sont à travers les yeux d'un animal on-ne-peut-plus sauvage. Un premier tome très réussi, qui parvient à nous plonger dans une ambiance à cheval entre le far west et la ruée vers l'or. Le dépaysement y est garanti, avec une grande qualité au rendez-vous : que demander de plus si ce n'est la sortie rapide du second tome ?