Baron Samedi
		Baker Edition : Treize Etrange 2010, 144 pages ISBN : 978-2-7234-7369-9 17 €

Le samedi 15 septembre 1948, dans le village de Monte Christo, on marie la belle Angelica. Tout le monde s'amuse, tout le monde danse. C'est alors qu'arrivent des soldats et mercenaires français commandés par un certain Bob Bernard. Il veut que le village décampe pour que l'on puisse exploiter les filons d'uranium qui se trouvent dans le sol. Mais le chef du village, le père de la mariée, a déjà répondu que personne ne partirait. Aujourd'hui, cette réponse n'est plus tolérable et l'homme se fait décapiter sur le champ par Bernard en personne. Ensuite, c'est le carnage. Les hommes se font tous tuer, et les femmes violer, juste avant de mourir elles aussi. Les corps sont entassés en un charnier immonde, dans lequel se trouve le petit frère d'Angelica, seul rescapé. Cette journée le traumatisera à vie, comme on s'en doute, et il gardera dans son coeur une profonde haine des français.

Quinze ans plus tard, le jeune garçon a grandi, et il arrive au Havre par bateau. Par hasard, il va assister à un combat de catch dans lequel un certain Baron défie quiconque veut se mesurer à lui. Celui-ci combat dans un habit de squelette. Comme il se fait vieux, il cherche un remplaçant à qui il pourra apprendre les ficelles du métier. Notre jeune héros est tout de suite attiré par ce spectacle et postule. Il obtient le poste sans problème. Mais alors qu'il commençait enfin à se sentir bien quelque part et se reconstruisait une nouvelle famille, voilà Bob Bernard qui ressurgit dans sa vie pour la lui voler une nouvelle fois.

Cette fois s'en est trop. Et on va assister à la naissance de Baron Samedi, un criminel violent, sadique et parfaitement nihiliste qui va faire trembler la République Française.

Autant le dire tout de suite, cette bande dessinée n'est pas faire pour tout le monde. Déjà parce que le propos en choquera plus d'un, que ce soit dans l'expression de l'extrême violence gratuite qui est présente partout et tout le temps, mais aussi dans les propos clairement révolutionnaires, anarchistes et nihilistes que l'on croise. Et puis, le dessin est volontairement gore et choquant. Je ne dirai pas que cela prend aux tripes, ce n'est pas le registre recherché, mais ça interpelle, ça dérange. Déjà, on commence rapidement par avoir une vue très détaillée et proche du charnier dans lequel le jeune garçon est oublié. Puis, on va se retrouver dans un monde en noir et blanc où la seule couleur présente sera le rouge. Rouge comme le crâne crâmé à la chaux vive de Baron Samedi. Rouge comme les litres et les litres de sang qui giclent en de nombreuses pages. Rouge comme la vision haineuse qu'à l'anti-héros de cette République qui lui a tout pris, deux fois. Donc, si vous n'êtes pas capable de prendre du recul vis-à-vis de tout cela, je vous conseille de ne pas vous plonger dans cette bande dessinée.

Après, si on arrive à regarder le tout d'un oeil plus détaché, on arrivera à trouver une oeuvre qui si elle est profondément choquante, n'en est pas moins inspirée et géniale. C'est clair que ce Baron Samedi fout les jetons. Mais Dog Baker est quant à lui un auteur à suivre. Il a peut-être des choses à régler avec la France, la vie ou je ne sais quoi, mais cela semble lui donner une rage qu'il transforme en talent. Clairement, cet énorme tome peut se suffire à lui-même. La fin pourrait laisser penser à une suite. Nous le verrons bien. En tout cas, si vous aimez les oeuvres barrées, décalées, ignobles, mais talentueuses, ce Baron Samedi est fait pour vous. Pour les autres, il doit bien y avoir une rediffusion de Qui veut épouser mon fils ?