Le roi des elfes
		Dick, Philip K. Edition : Folio SF 2010, 315 pages ISBN : 978-2-07-039916-1 7,10 €

Dans ce recueil de neuf nouvelles, Philip K. Dick explore différents mondes, d'autres vies, d'autres sociétés, toutes plus crédibles et étranges les unes que les autres. Je découvre cet auteur avec ce recueil et suis agréablement surprise. J'aime ces mondes désorganisés, ou trop bien organisés, ces personnages attachants, méchants, humains. Ce ne sont pas des héros, ce sont des gens qui vivent, qui aiment, qui obéissent... ou pas.

Le constructeur : Cette nouvelle se résume en une seule phrase : pourquoi Ernest Elwood s'obstine-t-il, envers et contre tous, à construire un bateau dans son jardin ? Plus rien d'autre ne compte pour lui, les moqueries de ses voisins l'indiffèrent... Une bonne mise en bouche pour ce recueil.

Le roi des elfes : Seule nouvelle à classer en fantasy et non en SF, elle raconte avec un humour latent la rencontre d'un gérant d'une station-service avec le roi des elfes qui vient lui demander de l'aide. Comment cette rencontre va-t-elle tourner ?

La dame aux biscuits : Cette nouvelle est plus tendre, moins violente dans son déroulement. Sa fin est par contre l'une des plus violentes des neuf nouvelles, l'une des plus brutales. Ce qui en fait toute sa richesse.

L'homme doré : Magnifique nouvelle traitant du problème des déviants, chassés par les hommes non-déviants. Cris est un très bel homme, doré de la tête aux pieds, qui a un don surprenant, et qui plait aux femmes. Sans en dire plus pour ne pas dévoiler l'intrigue et tout ce qui fait l'essence de cette belle histoire, je peux toutefois dire que cet homme doré est un bon compromis entre un monde futuriste qui, pour se protéger élimine des humains à cause de leurs différences, et l'espoir qu'on peut encore avoir dans la bonté d'autres humains, touchés par la beauté et la grâce.

Si Benny Cemoli n'existait pas : Les personnages sont plus difficiles à cerner, c'est un peu trop politique à mon goût. J'ai apprécié toutefois l'intrigue principale, originale, qui se passe cette fois au niveau des médias.

Projet Argynorète : Ma nouvelle préférée ! Dick y rend un hommage magnifique à ses collègues, écrivains de SF de son époque (les années 50). Je ne les connais pas tous et suis sûre que pour de fervents lecteurs de SF, cette nouvelle sera encore plus appréciable. Dans un monde où les scientifiques se nourrissent des revues SF des siècles passés, nos descendants ont besoin de contacter Poul Anderson car il a un jour écrit quelques mots au sujet d'une formule, qui pourrait bien sauver leur monde. Ils partent le chercher (ils ont bien sûr une "drague temporelle"), rencontrent d'autres écrivains et ramènent Anderson à leur époque. Je n'en dirais pas plus, mais certains passages sont à la fois drôles (ah ! la tenue adoptée pour passer inaperçus en 1954 !!), nostalgiques, et puissants. un véritable tour de force.
S'il ne fallait en lire qu'une seule, ce serait incontestablement celle-là !

La guerre contre les Fnouls : Les Fnouls sont de petits êtres maléfiques hauts de 60 centimètres qui ont la terrible capacité de se transformer, tous ensemble et en même temps, en agent immobilier par exemple, ou en pompier. Et leurs intentions sont de nous coloniser. Heureusement, grâce à leur petite taille, on peut les distinguer, même s'ils sont habillés comme un terrien. Malencontreusement, ils découvrent un moyen de doubler, puis tripler leur taille. A partir de ce moment là, comment les distinguer ?? La solution trouvée va être étonnante, efficace et... drôle ! Une très sympathique nouvelle.

La sortie mène à l'intérieur : Cette nouvelle se passe dans le milieu universitaire, toujours dans un monde futuriste, avec des machines, des règles de vie totalement différentes de celles que l'on connait, des secrets à ne pas dévoiler... Plus sombre, elle est toutefois intéressante dans son approche du traitement des réactions du personnage principal : cette Université robotisée teste en effet ses étudiants d'une façon surprenante.

Chaînes d'eau, réseau d'éther : Deux terriens vivant chacun dans leur dôme, enregistrent des transmissions. Ils sont voisins, et font petit à petit connaissance. Mais la femme est malade. Lui, essaie de compatir, de l'aider comme il peut, tout en gardant ses distances. Voilà le pitch de départ. Après avoir lu les huit nouvelles précédentes, toutes plus étonnantes les unes que les autres, je m'attendais à une histoire plus intéressante. L'aspect "science-fiction" ne sert ici que de décor. La même histoire pourrait parfaitement se dérouler à notre époque ou au temps des hommes préhistoriques. Déçue, j'espérais que la fin remettrait tout en place, avec une explication, un rebondissement... Mais non, rien... Peut-être n'étais-je pas dans un bon état d'esprit pour la lire ?

Même si ces nouvelles n'ont pas toutes une fin percutante, détonnante, comme on peut l'attendre pour des nouvelles, l'auteur réussit à instiller une atmosphère particulière dans toutes ses histoires, un aspect futuriste original, des personnages humains, touchants, de vrais anti-héros, tout cela dans un style soigné, des dialogues réalistes, un rythme soutenu qui fait qu'on ne s'ennuie jamais.

En conclusion, à part la dernière nouvelle, j'ai beaucoup aimé ce recueil et cette lecture m'a donné plus qu'envie de lire d'autres oeuvres de Philip K.Dick.