La traque de l’ombre (Les Larmes d’Artamon - Préquelle - Tome 1)
		Ash, Sarah Edition : Le Livre de Poche, Collection : Fantasy 2010, 628 pages ISBN : 978-2-25302351-7 7.50 €

Dans le royaume de Francia, la toute puissante Inquisition éradique sans relâche les mages, ceux qui naissent avec le don sont de moins en moins nombreux. Convaincus d'hérésie, tous les alchimistes du collège de thaumaturgie de Karantec sont envoyés au bûcher. Seuls deux mages parviennent à s'échapper : maître Kaspar Linnaeus se réfugie au Tielen, un royaume voisin et inamical ; son apprenti Rieuk Mordiern rejoint les rangs des Mages d'Ondhessar en Enhirre. Désormais orpheline, la petite Klervie de Maunoir doit cacher ses origines et devient Célestine : conduite dans un couvent, elle deviendra chanteuse, protégée secrètement par la déesse Azilis.

Car c'est là que cela se complique : la déesse Azilis était retenue dans un cristal aethyrique caché dans un sanctuaire à Ondhessar, où sa présence garantissait que la Faille entre les mondes reste ouverte. Pour faire fonctionner son invention permettant de communiquer à distance, la Vox Aethyria, Linnaeus a volé le cristal. L'apprenti Mordiern a involontairement libéré la dangereuse déesse, mais maître de Maunoir a pu l'asservir de nouveau : Emprisonnée dans un livre, la déesse est désormais intimement liée à la fille de l'alchimiste…

Vous l’aurez compris, il faut rester bien éveillé pour ne pas perdre le fil dans le monde complexe imaginé par Sarah Ash ! La géographie ressemble beaucoup à celle de notre monde, mais la situation politique est embrouillée, d'autant qu'une bonne partie du pouvoir est aux mains des autorités religieuses. Il faut également appréhender les manifestations de la magie propre à ce monde : manipulation des éléments, vol d'âmes…

Nous suivons en particulier l'évolution de trois jeunes personnages fort attachants. Rieuk s'est laissé corrompre par les Mages d'Ondhessar par amour pour le bel Imri. Celui-ci est mort en luttant contre le mage Linnaeus. Pour sauver l'âme de son amant, Rieuk est désormais condamné à exécuter toutes les basses oeuvres des Mages d'Ondhessar. Le voilà furieux et bien décidé à se venger de son ancien maître. Il n'est pas le seul ! Deux autres jeunes gens sont également acharnés à la poursuite du mage et prêts à tout pour l'atteindre : Jagu de Rustéphan, persuadé qu'il est le voleur d'âmes qui a tué son meilleur ami, et Célestine, qui croit qu'il a trahi les mages de Karantec puisqu'il est le seul à avoir réchappé du massacre. Outre le fait qu'ils courent après un faux coupable, Jagu et Célestine ont de nombreux points communs : tous deux ont été élevés par des religieux, tous deux montrent des dispositions pour la musique et ont été pris sous l'aile du grand compositeur Henri de Joyeuse et enfin tous deux, parrainés par le capitaine Ruaud de Lanvaux, Guerrier de la Commanderie, ont intégré son unité d'élite d'agents secrets. S'entendant d'abord comme chien et chat, ils vont cependant apprendre à faire équipe, portés par leur objectif commun.

Autour de ces personnages principaux gravitent nombre d'autres personnages : peut-être un peu trop, mais tous ont un rôle dans ce récit. On devine d'ailleurs que certains personnages sont amenés à prendre plus d'importance dans les événements encore à venir. Ce qui est particulièrement plaisant, c'est que les personnages ne sont pas blancs ou noirs : pas de « gentils » ou de « méchants » extrêmes dans cette histoire, chacun essaie de faire au mieux de ses intérêts et ceux qui foulent aux pieds leurs valeurs pour parvenir à leurs fins en sont les premiers chagrinés.

Le récit est consistant bien que l'action ne soit pas toujours présente. On saute d'un personnage à l'autre fréquemment, mais les différents fils forment un tout homogène. L'écriture est fluide et la lecture agréable, à l'exception d’un petit bémol : des événements qui ne sont pas immédiatement consécutifs sont parfois décrits dans des paragraphes qui se suivent sans coupure et le lecteur non préparé doit réajuster sa vision en cours de phrase, ce qui est assez déconcertant !

Pour ceux qui hésiteraient à lire cette préquelle parce qu'ils n'auraient pas encore lu la trilogie des Larmes d'Artamon , qu'ils se rassurent : c'est mon cas et je n'ai eu aucun souci de compréhension ; si on rencontre ici certains personnages qui réapparaîtront par la suite, cette trilogie forme une histoire indépendante. Pour ma part, j’attends impatiemment de lire les deux tomes suivants, avant de m'attaquer à la saga elle-même !