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Kushner, Ellen

 
  Kushner, Ellen
 

Interview d'Ellen Kushner recueillie par Mureliane.

Mureliane : Vous parlez remarquablement français. Vous avez vécu ici ?

Ellen Kushner : oui, quand j'étais petite, à l'âge de sept ans, j'ai habité en France pendant un an, et je suis allée à l'école primaire. Aussi, je parle comme une petite fille de sept ans très intelligente, je n'ai pas trop de vocabulaire.

M : Vous êtes très connue en France comme étant l'auteur de Thomas le Rimeur, roman extrêmement connu parmi les lecteurs du genre. A la pointe de l'épée vient de sortir, qui est un roman à la frontière entre la fantasy, et le roman historique, ou de cape et d'épée. Inévitablement, en France, la référence à Alexandre Dumas est évidente, mais en ce qui vous concerne, quelles ont été vos sources d'inspiration ?

EK : Bizarrement, ce n'est pas M. Dumas du tout. J'avais vu le film de Richard Lester, Les 3 Mousquetaires, ça j'adore, et ça m'a peut-être influencée. Quand, après avoir écrit A la pointe de l'Epée, j'ai lu Les 3 mousquetaires, j'ai trouvé ce film très fidèle à l'original : c'était en même temps quelque chose de très sérieux, et de très très comique, et c'est bien l'esprit de Dumas. Et aussi le monde de Dumas est un monde très amoral, ce qui est très en accord avec le monde des Bords d'Eau, dans A la pointe de l'épée.
Mais vraiment mes influences étaient trois livres et quelques villes : je pensais un peu à Shakespeare, à la Londres du XVIe de Shakespeare. J'ai aussi été grandement influencée par les villes de Paris et Londres qu'a décrites un auteur très bien connu en Angleterre et aux Etats-Unis, qui s'appelle Georgette Heyer, très grand écrivain de romans, un peu comme Jane Austen, mais elle a écrit au XXe siècle, entre les années 30 et les années 70. On dirait Jane Austen « light ». Alors ça c'est une très grande influence, ainsi qu'une autre inconnue en France, qui a écrit de très grands romans historiques, du XVIe, qui se déroulent en Ecosse, en France, partout, et qui s'appelle Dorothy Dunnett. Alors ces périodes, ces villes, et aussi ma vie de jeunesse en France, et des voyages en Europe, même les rues que j'ai parcourues, dans les anciennes villes, dont on peut trouver une réminiscence dans la différence de largeur des rues entre les Bords d'Eau et la Colline : il n'y a rien de tel aux Etats-Unis, il faut venir en Europe.
Une autre influence, c'est Oliver Twist, de Dickens, et surtout la comédie musicale Oliver. Dès l'âge de sept ans, j'ai adoré ce disque, et ce romantisme de la boue.
Une autre influence, c'est qu'au moment où j'écrivais le roman, je vivais à New-York, dans un lieu un peu dangereux. Il y avait bien des étudiants de l'université de Columbia, des musiciens aussi, des petits criminels, et ça m'a bien influencée aussi, c'était, métaphoriquement, la vie et la ville de New York.

M : On pourrait lire A la pointe de l'épée comme une réflexion sur le pouvoir, et sur le meurtre. Qu'en diriez-vous ?

EK : Toujours, toujours : le pouvoir, et notamment le pouvoir sexuel entre les gens, avec Diane de Tremontaine, et aussi entre Alec et Richard, qui jouent beaucoup beaucoup avec leur pouvoir. Et pour le meurtre aussi, mais je crois que je n'en étais pas vraiment consciente... Dans un roman de fantasy, ou historique, on tue des gens, c'est normal. Mais c'est vrai qu'il y a des gens qui disent que Richard Saint-Vière est un héros, tue comme un héros, il a de l'honneur comme un héros, mais je ne suis pas de cet avis.
En ce qui concerne le meurtre, on peut considérer soit que Saint-Vière est un assassin, soit qu'il n'est que le bras armé du commanditaire qui le paie, prenant ainsi une large part de la responsabilité du meurtre, les deux sont vrais, je laisse la décision à l'imaginaire du lecteur, tout dépend de quel côté on se place : si on se place comme quelqu'un de très moderne eh bien c'est un meurtrier, il ne faut pas qu'il tue les gens avec une épée ; mais pour lui-même je pense qu'il se considère un peu comme un artiste, ce n'est pas pour tuer qu'il fait tout ça, mais pour faire parfaitement quelque chose, pour être presque artiste de l'épée. Ce qui est un peu fou avec lui, c'est qu'il ne pense pas beaucoup à ceux qu'il tue : est-ce qu'il a fait bien, avec du panache ? Ou bien, car il est trop froid pour le panache, mais de façon artisanale, c'est un tueur artisanal (rire) ! Mais c'est un peu bizarre, il est un peu éloigné de ce qu'il fait vraiment. C'est vrai qu'il a quelque chose de schizophrène, de psychopathologique, mais pour être un tueur comme ça il faut être un peu schizophrène, ce n'est pas tout-à-fait normal (rires).... même chez eux. On le voit aussi dans son lien avec Alec.

M : En lisant A la pointe de l'épée, je pensais moins à Dumas qu'à Patricia McKillip. Qu'en diriez-vous ?

EK : j'adore Patricia McKillip, je l'admire, ainsi que la sorte de fantasy qu'elle écrit, et c'était déjà le cas quand j'ai écrit A la pointe de l'épée. Je suis très contente que vous ayez senti ça.

M : Un roman appartenant au même univers, The Fall of the Kings, est paru aux Etats-Unis, et je voulais vous demander pourquoi vous aviez choisi de l'écrire en collaboration avec Delia Sherman ?

EK : car c'est plus amusant comme ça ! J'habitais avec Delia, et nous parlions d'A la pointe de l'épée, et des personnages et nous nous sommes demandé ce qui allait arriver à leurs fils, à la ville même, et nous avions de très bonnes idées. Alors nous avons écrit une assez grande nouvelle, qui s'appelait aussi The Fall of the Kings, la Chute des Rois, quand ce sera traduit en français, ce sera La Chute des Rois. C'était une nouvelle assez longue, et à ce moment-là je travaillais très dur, je travaillais trop, à la radio, et je n'avais pas le temps d'écrire un grand roman, alors j'ai demandé son aide à Delia pour compléter un peu ce texte. Et trois ans et 100 000 mots après, c'est devenu un roman assez épais ! Et c'est pour ça aussi qu'aux Etats-Unis les romans qui se déroulent dans ma petite ville ne sont pas sortis en ordre chronologique : en premier c'est A la pointe de l'épée, puis quinze ans plus tard, c'est The privilege of the sword, et quarante ans après ça c'est The fall of the Kings. J'avais démarré quelque chose quelques années plus tôt, et je l'avais laissé au fond d'un tiroir. C'est après ma collaboration avec Delia pour The Fall of the Kings que mon agent littéraire m'a demandé si je n'avais pas quelque chose d'autre qui se déroulerait dans la même ville, alors j'ai exhumé The privilege of the Sword, et c'était pas mal. On peut les lire dans l'ordre qu'on veut, et chaque livre peut aussi se lire séparément. Mais l'ordre d'écriture, c'est A la pointe de l'épée, puis The Fall of the Kings, puis The privilege of the sword.

M : Une traduction française est-elle prévue ?

EK : Pour la traduction, on ne sait pas : si A la pointe de l'épée marche bien, s'il gagne de l'argent, j'espère que oui, sinon je ne sais pas.

M : Et justement The privilege of the Sword, paru en 2006, a reçu en 2007 le prix Locus du meilleur roman de fantasy, et a été nominé au World Fantasy Award 2007. Y a-t'il des projets de traduction pour celui-ci ? Si le roman devait être traduit en français, souhaiteriez-vous que ce soit le même traducteur, ou un autre ?

EK : Même réponse que précédemment pour la traduction. Je connais un peu Patrick Marcel (traducteur de A la pointe de l'épée), et il m'a donné une impression de partenariat, par les questions qu'il posait pour la traduction. S'il y avait un autre traducteur, ce serait peut-être tout-à-fait différent.

M : L'une de vos particularités, c'est que vous n'êtes pas seulement un auteur, mais aussi très impliquée dans le monde de la radio, puisque vous avez animé une émission de radio qui marchait très  bien. Est-ce que vous en diriez quelque chose ?

EK : Quelques mois avant la publication d'A la pointe de l'épée, j'ai quitté mon appartement de New York pour aller à Boston travailler dans une station de radio. Je suis écrivain, mais aussi un peu actrice, présentatrice, et rester chez moi dans une petite chambre avec mon petit clavier, ce n'était pas satisfaisant pour moi, je voulais faire quelque chose où je PARLE, il faut que je PARLE ! Et j'ai eu la chance d'obtenir un job à la radio, avec de la musique classique, de la musique folklorique, c'était parfait pour moi, je parlais toute la nuit. Et puis on m'a découverte, on m'a demandé si cela m'intéresserait de faire une émission pour tous les Etats-Unis. J'ai alors rédigé des petits programmes, avec de la musique classique, des scripts un peu drôles, un peu hors de la normale. Et ça a très bien marché, puis on m'a demandé ce que je voulais faire, et j'avais envie de faire tout à fait autre chose, et ça s'est appelé Sound & Spirit, une émission nationale hebdomadaire, d'une durée d'une heure. C'était ENORMEMENT de travail, parce que c'était très « écrit », et produit comme une video ou un film. Ce que j'ai fait est maintenant disponible sur Internet, on peut écouter à peu près 120 programmes d'une heure chacun. C'est fait comme un film seulement pour les oreilles. Et il y a encore des villes, aux Etats-Unis, où ces émissions sont reprises par les stations de radio locales.
Et avec ça j'ai écrit de petites pièces que je joue moi-même, d'abord pour la radio, puis pour donner en spectacle dans les villes où Sound & Spirit était populaire. J'y donnais un spectacle avec des musiciens.
Puis Delia et moi nous sommes rentrées à New York, et je ne fais plus de radio, mais tout ça existe encore sur Internet.
Maintenant je fais un peu de ci et un peu de ça, en ce moment une petite pièce pour les enfants. Je suis l'écrivain, mais je travaille avec le metteur en scène et le chorégraphe.
Je fais des nouvelles, aussi, avec les personnages d'A la pointe de l'Epée, des petites histoires qui vont entre les livres, car je sais que mes lecteurs aimeraient bien savoir ce qui se passe, alors je fais des petites nouvelles.

M : Est-ce qu'il y aura un jour un recueil de ces nouvelles ? Est-ce qu'il existe déjà aux Etats-Unis ?

EK : Oh oui je crois qu'il y en aura un. Pas pour l'instant, car je n'ai pas encore assez de nouvelles, mais j'essaie d'en écrire d'autres. La dernière édition parue aux Etats-Unis d'A la pointe de l'épée, chez Bantam, contient trois petites histoires, qui épaississent un peu ce petit roman. Une nouvelle paraîtra dans le magazine Fantasy & Science-Fiction du mois d'avril/mai (voir ici : http://www.sfsite.com/fsf/ ). Il s'agit de la jeunesse de Richard Saint-Vière, et comment il a appris l'épée.

M : Vous vous êtes intéressée au thème d'Esther, et vous avez écrit une comédie musicale à ce sujet. Pourquoi Esther ?

EK : On ne peut pas parler de comédie, étant donné que ce n'est pas drôle, et ce n'est pas vraiment musical non plus.
J'ai reçu une commande pour créer quelque chose sur un sujet Juif, pour la radio. Alors j'ai pensé à Esther, car l'histoire d'Esther c'est aussi la fête de Pourim, et l'histoire m'intéressait beaucoup. Car la question, qui apparaît aussi dans mes livres, est celle de la dissimulation, et de la révélation, de l'identité. Et on peut suivre ce fil dans l'histoire d'Esther, il s'agit toujours de ça. Dans la pièce, il s'agit de gens modernes, qui ont la même histoire psychologique que ces personnages. Je suis seule à faire toutes les voix, tous les personnages, et j'ai avec moi trois excellents musiciens de Boston. Alors je raconte l'histoire un peu, et puis je deviens quelqu'un de moderne qui raconte sa propre histoire. On pourrait dire que c'est une mise en rapport de cette écriture ancienne avec la vie actuelle des gens. On peut l'écouter sur Internet, sur le site d'Ellen Kushner, radio, programmes, Esther, ou suivre ce lien, où se trouvent toutes les informations http://www.sff.net/people/kushnerSherman/Kushner/esther.html.

M : Le travail de l'Interstitial Arts Foundation concerne-t'il ce qu'un auteur français a nommé les « transfictions », ces oeuvres qui transgressent les frontières entre les genres ?

EK : Je crois que c'est à peu près la même chose, c'est tout ce que je peux dire. Il faut demander à Delia Sherman, c'est Delia qui pourrait répondre précisément, en tant qu'éditeur de l'anthologie de Fiction Interstitielle (Anthology of Interstitial Fiction), Interfictions (voir http://www.lcrw.net/iaf/index.htm ), et elle a travaillé, et parlé, avec l'auteur du livre français sur les « transfictions », Francis Berthelot, que je connais bien, mais moi je ne suis pas théoricienne, je le laisse aux critiques. Je dois cependant ajouter que l'approche des genres est un peu différente en Europe et aux Etats-Unis, ce qui fait que même si on a la même théorie, le contexte sera différent.

M : Quel est le contexte aux Etats-Unis ?

EK : Aux Etats-Unis, quand nous avons commencé Interstitial Arts, il y a six ou sept ans, tout était très compartimenté, et nous voulions que les artistes, les éditeurs, les lecteurs, sortent des petites boîtes, c'est pour ça qu'on a inventé ce « pas-genre ». Maintenant, c'est déjà un peu fait, il y a des jeunes, écrivains et lecteurs, et de moins jeunes, qui peuvent voyager entre les genres facilement, et cela devient de plus en plus populaire d'écrire, lire ou écouter des choses qui ne sont ni d'un genre ni d'un autre. Mais ça change toujours : ce qui était bien Interstitial il y a dix ans, maintenant c'est normal, mais maintenant ce qui est Interstitial c'est différent, ça change toujours, ça n'est pas un genre, ça dépend toujours du contexte historique.

M : A quoi travaillez-vous en ce moment ?

EK : Les nouvelles pour faire un recueil, et cette pièce à New York, et les autres nouvelles aussi, et je joue quelques petites pièces. Malheureusement, il faut que je quitte la France très, trop, tôt, juste après les Utopiales, je rentre chez moi pour donner des conférences, et il y a un grand concert dans le Michigan, dans lequel je vais intervenir pour présenter chaque groupe de musiciens. Je vais parler entre chaque intervention, en improvisation, comme je le faisais dans mon émission de radio Sound & Spirit. J'aurai de petites notes, mais je vais improviser : j'écoute la musique et je parle. Et après il y a Esther, en Ohio, puis je rentre chez moi pour travailler avec ce joli petit théâtre pour les jeunes. Et après ça je vais peut-être partir en VACANCES !

Postface, 3 mois plus tard : Et Miss Kushner a-t'elle vraiment pris des vacances ? Mais non !! Au lieu de cela, ayant été invitée à jouer dans sa propre pièce à New York pour les Fêtes, elle a passé tout le mois de novembre en répétitions, puis tout décembre à jouer ! Vous pouvez voir des images sur son blog, ici : http://ellen-kushner.livejournal.com/tag/%22klezmer+nutcracker%22 .

En ce moment, elle travaille à un nouveau roman, deux nouvelles pièces, et espère prendre des vacances, peut-être, en février...

Ecrite par Mureliane, le 27 Janvier 2009 à 10:01 dans la rubrique Interviews .
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Ecrit par Ellen Kushner le 01 Février 2009

Merci, Mureliane!

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