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Bucy, Jérôme |
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Bucy, Jérôme
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Interview de Jérôme Bucy recueillie par Naolou à l'occasion de la sortie de La colonie des ténèbres (mai 2010 aux éditions Belfond). Naolou : Bonjour Jérôme, merci d'avoir accepté de répondre à mes questions ! Pouvez-vous vous présenter pour les lecteurs des Chroniques de l'Imaginaire ? Etudes vétérinaires, maîtrise en pharmacologie, licence d'histoire... Qu'est-ce qui, dans votre parcours, vous a amené à l'écriture ? Jérôme Bucy : La lecture au départ. Tout simplement. Le plaisir de pouvoir plonger dans des univers de fiction qui me chahutaient ou me troublaient, mais dans lesquels je me sentais bien. Puis l'envie à mon tour de créer des histoires, des personnages, et de plonger un peu plus loin dans cet univers fictif... et plus longtemps. L'écriture d'un roman nécessite beaucoup de temps, des années durant lesquelles la fiction est omniprésente, les personnages à vos côtés. C'est étrange et plaisant. Jouer avec le lecteur aussi. Le polar a un côté ludique. Pour répondre plus précisément à votre question, c'est agréable également de partager ses passions, l'étude de la psychologie ou de l'histoire. Au fil du temps, s'est greffée peu à peu une meilleure maîtrise des mots. Je l'espère en tout cas. Et la façon d'exprimer ce que ressentent les personnages, leurs dialogues, le travail sur les mots, me procurent maintenant autant de satisfactions que la création de l'histoire elle-même. N : Quelles sont vos influences littéraires ? Qu'aimez-vous lire ? JB : Mes attentes en lecture ? Plutôt les écritures nerveuses, les phrases courtes, les dialogues ciselés. Les longs développements et les verbiages pompeux me tombent des mains. En ce qui concerne les personnages, les êtres insolites me touchent plus. C'est lorsqu'ils sont étranges, ne suivent pas la norme, que je les trouve attachants, que j'ai envie de les suivre. Ou mieux, des personnages ordinaires confrontés à des expériences extraordinaires, dans lesquelles ils vont se révéler. Le descriptif des évènements du quotidien ne m'intéresse pas. Rien de pire pour moi qu'un polar prétexte à de longues descriptions de la vie de tous les jours ou même tous les détails d'une relation amoureuse. J'aime que l'environnement dans lequel se déroule l'action soit particulier, surprenant, étrange. Pesant, oppressant, étouffant... j'adore ! Mes influences ? Je ne sais pas. Mais j'admire beaucoup Serge Brussolo. N : Quel a été votre parcours d'écrivain ? Avez-vous éprouvé des difficultés à faire éditer votre premier manuscrit ? JB : Non. En fait, le premier manuscrit, envoyé par la poste, a été lu rapidement, et j'ai été contacté sous dix jours par mon premier éditeur. Mais c'est vrai que j'avais sélectionné au préalable les maisons d'édition susceptibles d'être intéressées par mon univers. J'ai donc envoyé peu de manuscrits, mais en tentant de soigner la présentation, et de personnaliser les courriers. N : Dans quelles circonstances êtes-vous passé de Liv'éditions aux éditions Belfond ? JB : Je voulais bénéficier d'une diffusion plus large en librairie, mais dans une maison d'éditions qui me permette de conserver la proximité et les qualités humaines que j'avais connues chez Liv. Belfond s'inscrit totalement dans cette ligne là. Je leur ai envoyé un manuscrit (La chambre d'ambre) par la poste, ainsi qu'à quelques autres, et un court CV. J'ai reçu trois réponses positives. Mais c'est avec la directrice littéraire de Belfond que le courant est le mieux passé. N : Votre nouveau roman, La colonie des ténèbres, est sorti en mai 2010 aux éditions Belfond. Comment le résumeriez-vous ? JB : Berlin en 62, après la construction du mur : des meurtres commis sous les yeux d'enfants profondément traumatisés, incapables de témoigner, et maintenus sous le contrôle de la police politique, la Stasi. Paris, de nos jours : un jeune homme passionné par l'environnement et la protection des chauves-souris, embauché pour la protection du réseau informatique de l'un des leaders mondiaux de la chimie. Et entre les deux, une jeune femme fragile, étrange, qui espionne les conversations dans les confessionnaux, et va permettre de nouer les fils des deux histoires. N : Pourquoi avoir fait des chauves-souris un personnage à part entière de l'intrigue ? JB : Les chauves-souris sont des acteurs à part entière, car elles illustrent les thèmes du roman (environnement, pollution, insecticide). Elles font partie des espèces sauvages exposées aux polluants. De plus, les chauves-souris peuvent être mises en scène de façon très visuelle ou cinématographique. Enfin, pour tenter de rendre plus sympathique ces animaux qui tuent chaque nuit de grandes quantités d'insectes nuisibles, font le Bien à notre insu, mais sont affublés de la marque du Mal. A cause de leur apparence, très certainement, mais sans aucun fondement scientifique. D'ailleurs, scientifiquement parlant, ces animaux sont extrêmement intéressants. Leur mode de vie en colonie, leur mode de reproduction, et surtout leur mode de déplacement par écholocation (émission-réception d'ultrasons) prouvent leur haut niveau de technicité sous format miniature. Cette fracture entre l'image que ces animaux renvoient sur des bases non rationnelles, et leur réalité technologiques, m'intriguait. N : Les personnages principaux de votre dernier roman sont très bien construits. Comment procédez-vous ? Partez-vous de la réalité, de personnes de votre entourage, ou les inventez-vous de toute pièce ? JB : Inventés de toute pièce, avec parfois quelques détails empruntés à mon entourage. Mais c'est plutôt rare. Je préfère que le caractère de mes personnages se forge au fil des pages, si possible sans même que je le réalise vraiment. Comme s'ils étaient animés d'une vie propre. N : Vos personnages ont souvent vécu des traumatismes profonds dont ils cherchent à se relever. Les thèmes de la résilience et du déterminisme semblent vous tenir à coeur ? JB : En fait, les héros sûrs d'eux et de leurs choix ne m'intéressent pas, sauf lorsqu'ils trébuchent et commencent à s'interroger. Reconnaître son insignifiance ou ses failles, cela révèle souvent une fracture passée. Une fragilité, une difficulté personnelle non résolue, qu'on a envie d'étudier. Parfois, déterminisme et résilience sont au bout du chemin. Parfois non. Tout cela mérite que l'on s'y attarde. N : Certains points du livre demeurent dans l'ombre - notamment les relations entre les personnages principaux. Avez-vous prévu de remettre en scène ces mêmes personnages ? JB : Non. Seule la clarification de l'intrigue était de mon ressort. Maintenant, aux personnages de vivre leur propre aventure dans l'esprit du lecteur, mais sans moi. Leurs relations futures seront ce que chacun voudra en faire sur la base de ce qu'il a ressenti durant la lecture du roman. N : Les intrigues de La chambre d'ambre et de La colonie des ténèbres prennent leurs racines dans l'histoire de l'Allemagne. Pourquoi ce pays et ces époques en particulier ? JB : Je suis né en août 61, alors même qu'était mis en place le mur de Berlin. Difficile dans ces conditions de ne pas ressentir de la curiosité, voire une certaine forme de fascination pour cette ville à cette époque. Ma construction personnelle en France, au sein d'une famille heureuse, était contemporaine de celle d'un mur qui brisa tant de vies. Les destins familiaux basculèrent, chacun suivant sa voie, très différente selon le côté du mur. Au-delà de Berlin, l'Allemagne m'intéresse également car je suis originaire du Nord de la France, mon grand-père paternel a été fusillé par les Allemands en 45, j'en ai beaucoup entendu étant enfant. Difficile d'oublier tout ça. Mais aujourd'hui, je ressens un fort attachement pour ce pays et pour ce peuple qui a beaucoup souffert de la guerre, pour des raisons identiques aux nôtres, finalement. N : Dans vos deux derniers romans, vous offrez au lecteur des dénouements assez spectaculaires. Est-ce le genre de fin que vous appréciez en tant que lecteur ? Cherchez-vous absolument à surprendre, ou ces retournements de situations vous viennent-ils naturellement ? JB : C'est effectivement le type de dénouement que j'apprécie. Je n'initie d'ailleurs l'écriture d'un livre que lorsque l'épilogue me semble tenir la route. N : Merci Jérôme pour votre disponibilité. Je vous laisse le mot de la fin ? JB : In my end is my beginning ! Extrait de La nuit qui ne finit pas, un roman d'Agatha Christie que j'affectionne (j'affectionne Agatha et le roman). J'aime l'idée de ce qui ne se termine jamais totalement, ou même renaît de ses cendres... L'idée aussi que certaines choses sont écrites depuis le début, l'enfance, et expliquent tous nos choix futurs. C'est terrible, mais cela donne envie de chercher et de comprendre. Merci.
Ecrite par , le 26 Juillet 2010 à 10:07 dans la rubrique .
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