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Sire Cédric |
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Sire Cédric
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Interview de Sire Cédric recueillie par Naolou à l'occasion de la sortie de L'enfant des Cimetières aux éditions Le Pré aux clercs. Naolou : Bonjour Sire Cédric, et merci à toi de consacrer un peu de temps à cette interview. Je ne te demanderai pas de te présenter, étant donné que tu es un habitué des Chroniques de l'imaginaire... On attaque, si tu le veux bien ? Sire Cédric : Mais avec plaisir chère Marlène ! N : Tes livres ont tous reçu un accueil très favorable des lecteurs. Est-ce quelque chose que tu pressens pendant leur écriture ? Sens-tu qu'un livre, plutôt qu'un autre, va aspirer le lecteur ? SC : Tu sais, je ne crois pas qu'il soit possible d'anticiper la réaction des lecteurs durant l'écriture d'un roman. En tout cas, c'est quelque chose dont je suis incapable. Je suis happé par le processus d'écriture, je me contente de suivre ce que mes tripes me dictent. Si le roman fonctionne pour moi, je me dis qu'il a une chance de pouvoir fonctionner sur les autres. N : Tes livres ont reçu un accueil dithyrambique de la part de la critique. Cela modifie-t-il le regard que tu portes sur ton oeuvre ? Es-tu toujours satisfait de tes productions ? SC : Les critiques ont été gentils avec moi, c'est très flatteur, forcément. J'espère que cela incitera de nouveaux lecteurs à découvrir mon travail ! Mais cela ne m'empêche pas d'être conscient de mes limites, et j'essaie toujours de m'améliorer en tant qu'écrivain. Toujours avancer, pas à pas. Chacun de mes livres est une étape de mon chemin personnel. Ils représentent tous une partie de ma vie, de ce que j'ai été, à un moment donné de ma vie. C'est ça, le plus important, à mes yeux. N : Dirais-tu que l'écriture est pour toi un processus euphorique, ou douloureux ? Peines-tu à mettre en forme tes idées ? SC : Ecrire n'est jamais quelque chose de facile, mais c'est une formidable source d'euphorie, oui, c'est un terme qui me semble tout à fait pertinent. Une euphorie qui fait oublier les efforts et les doutes, même lorsque je passe une semaine à réécrire dix fois la même scène ! N : En général, d'où te vient l'idée qui fera la trame principale de ton roman ou de ta nouvelle ? Puises-tu ton inspiration dans d'autres oeuvres artistiques (films, musique, livres) ou dans des faits de ta vie quotidienne ? SC : Je pars souvent d'une image qui m'obsède. L'enfant des cimetières, par exemple, débute par la description d'un rêve : les morts qui s'extirpent de leurs tombes pour faire l'amour. Tout le roman découle de cette première scène. Les idées s'enchaînent assez naturellement dès l'instant où je commence à écrire. Je suppose que tous les éléments de ma vie quotidienne apportent leur petite étincelle d'inspiration : les lieux où je vais me promener, les films que je regarde, les programmes que j'écoute à la radio. Dans le chapitre suivant du roman, on découvre un drame familial, un homme qui a abattu sa femme et ses deux enfants à coups de fusil avant de se faire sauter la tête. C'est une information que j'avais entendue à la radio. Cela m'a donné l'idée des deux journalistes arrivant sur les lieux pour couvrir l'évènement, et on retrouve même, quelques chapitres plus loin, l'article qu'a écrit Aurore au sujet de ce drame familial. De nos jours, les références culturelles ne viennent plus du seul modèle romanesque, mais des séries télé, de l'Internet, des jeux vidéos, de la musique amplifiée. Je n'hésite pas à m'inspirer de ces nouvelles formes de culture. N : L'enfant des cimetières, est-ce une "véritable" légende urbaine, ou une créature sortie tout droit de ton imagination ? SC : Voici justement une de ces formes de culture contemporaine. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'aucune de ces légendes n'est "véritable". Le propre de ces mythes est d'être nés très récemment de nos fantasmes urbains, déformés au fur et à mesure qu'ils se propagent, chacun y ajoutant son infime contribution au passage, jusqu'à ce que réalité et fiction soient indissociables. La légende de l'enfant des cimetières semble être une variation de celle de la dame blanche : au lieu d'une femme, c'est un jeune garçon aux cheveux blancs que certaines personnes auraient aperçu. Il est impossible d'en savoir plus, car aucune de ces personnes n'aurait survécu à cette rencontre d'outre-tombe ! N : Avec L'enfant des cimetières, on note un virage dans ta production. Tu t'orientes visiblement vers le thriller fantastique. As-tu une idée de ce qui a amorcé ce virage ? SC : Chacun de mes livres a été une expérience différente pour moi, l'occasion d'explorer quelque chose d'entièrement neuf. Essayer le thriller était quelque chose que j'avais en tête depuis longtemps, mais je préférais attendre le bon moment pour me lancer, car cela impliquait un roman plus ambitieux. Je n'aurais certainement pas été capable de l'écrire il y a quelques années. Il fallait que je me sente vraiment prêt pour ça. N : Cette nouvelle étape de ton oeuvre implique-t-elle un bouleversement dans ton processus d'écriture ? As-tu plus ressenti le besoin de te documenter, par exemple ? SC : Ce qui est certain, c'est que L'enfant des cimetières m'a demandé beaucoup plus de travail que mes précédents livres. J'ai appris à creuser plus loin ma matière, à élaborer un plan plus complexe, aussi. Le résultat est un roman plus abouti, plus dense. Par le passé, je ne m'étais jamais encombré de recherches, laissant libre court à mon imagination, mais cette fois je tenais à me documenter correctement. On ne peut pas mettre en scène une enquête policière sans bien comprendre le fonctionnement du système judiciaire. J'ai donc pris contact avec des officiers de police criminelle, ainsi que dans la police scientifique, pour ne pas trop dire de bêtises sur leur mode de travail. A plusieurs reprises, je me suis également rendu dans l'hôpital régional pour repérer les différents services, l'emplacement de la morgue, ce genre de choses. Du coup, l'écriture de ce livre m'a fait progresser en tant qu'écrivain, et m'a surtout apporté des expériences inoubliables du point de vue humain. N : Par bien des côtés (mélange d'intrigue policière, de fantastique, de sexe et d'horreur), L'enfant des cimetières m'a rappelé les oeuvres de Graham Masterton, Clive Barker, Stephen King. Sont-ce des auteurs que tu lis / apprécies ? SC : Tu ne crois pas si bien dire. Sans Stephen King, je ne serai sans doute pas là. J'ai passé toute la première moitié de mon adolescence à dévorer ses romans, par bien des aspects j'ai appris à écrire en le lisant. Quant à Clive Barker, que j'ai découvert vers l'âge de quinze ans, c'est l'auteur qui m'a "montré la voie", ni plus ni moins. Son travail est une révolution littéraire. Il demeure un modèle incontournable à mes yeux. N : Les descriptions contenues dans ton livre ont un aspect visuel très frappant. Des couleurs notamment sont revenues fréquemment à mon esprit au cours de la lecture. Est-ce un effet voulu ? SC : Les couleurs sont très présentes, oui. Les ombres noires qui coulent sur la peau des personnages pour les mordre, le rouge de leur sang qui gicle. La chevelure bleue de Kristel, comme une trace de rêve que rien ni personne ne pourrait effacer, et le blanc infini du monde des songes dans lequel il est si facile de se perdre. Quand j'écris, j'ai toujours des images très précises en tête. J'essaie de les transmettre aussi efficacement que possible. N : J'ai été surprise par la manière dont l'univers et les personnages de L'enfant des cimetières collent à l'esprit du lecteur, une fois le livre refermé. En est-il de même pour toi ? Eprouves-tu des difficultés à sortir de ton livre, une fois la rédaction achevée ? SC : Comme je le disais, un livre est une partie de moi, de mes rêves, de tout ce que je suis. Je me suis investi dans chaque personnage de ce roman. Par exemple, le commandant Vauvert n'était au départ qu'un nom sur ma feuille, car j'avais besoin d'un personnage de flic, mais à chacune de ses apparitions il s'imposait d'avantage, son personnage s'étoffait sans cesse, et il est devenu très réel. Derrière sa carapace de colosse au nez cassé, c'est un personnage profondément humain et attachant. N : En dépit du sujet cauchemardesque et des descriptions parfois horrifiques de L'enfant des cimetières, ton livre est paradoxalement empreint d'une grande sensibilité. Le fantastique est-il pour toi un moyen d'explorer l'intime, l'humain ? SC : Le fantastique est uniquement ça. Il parle de notre intimité. De qui nous sommes vraiment, tout au fond, derrière nos masques. C'est le genre littéraire psychanalytique par excellence, et c'est pour cette raison qu'il m'intéresse autant. N : Dans les remerciements, tu cites Edouard Brasey. C'est un auteur souvent lu et apprécié par les chroniqueurs de l'imaginaire, ça a donc titillé ma curiosité. Peux-tu me dire quel rôle il a joué dans la naissance de L'enfant des cimetières ? SC : Edouard est directeur de collection aux éditions Le pré aux clercs. J'avais longuement discuté avec lui de ce projet de roman, et c'est lui qui a décidé de le présenter et de le défendre auprès de la directrice littéraire. Ce livre n'existerait pas sans lui. N : Quel(s) livre(s) lis-tu en ce moment ? SC : Je suis plongé dans Rituel de Mo Hayder. Un thriller passionnant. N : Quelles sont tes dernières lectures coups de coeur ? SC : La laiteuse et son chat, de Gérald Duchemin, qui est un petit chef-d'oeuvre d'intelligence littéraire. J'admire cet auteur et j'encourage vivement tous les lecteurs à découvrir ses romans ! N : Quels sont tes projets littéraires ? Une suite probable pour L'enfant des cimetières ? SC : Ce n'est pas impossible. (Sourire.) N : Merci à toi de t'être prêté pour nous au jeu de l'interview. Je souhaite bonne et longue vie à ton livre et à ceux qui, je l'espère, suivront... SC : C'est moi qui te remercie pour cette agréable interview !
Ecrite par , le 05 Mars 2009 à 11:03 dans la rubrique .
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