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Valls de Gomis, Estelle

 
  Valls de Gomis, Estelle
 

Interview d'Estelle Valls de Gomis recueillie en live & acoustique par Meredith Blixen.

Estelle Valls de Gomis, auteur dun essai sur les vampires (Le vampire au fil des siècles, éditions Cheminements), de deux recueils de nouvelles (Le cabaret vert et Des roses et des monstres, éditions Nuit davril), dun roman (Les gentlemen de létrange, éditions Le calepin Jaune), est également illustratrice, photographe, dirige le fanzine trimestriel Le calepin jaune et, depuis mars 2007 la maison déditions du même nom : Le Calepin Jaune Editions.
A la veille de la sortie de Fo/Véa, de Léa Silhol, deuxième ouvrage de cette jeune et prometteuse maison, Estelle a accepté de répondre, dans un club très dandy de Belgravia  à de multiples questions

Meredith Blixen : Ecrivain, illustratrice, photographe, anthologiste, éditrice Dis-moi, Estelle, ne serais-tu pas un peu femme-orchestre ?

Estelle Valls de Gomis : Euh oui (rires) Enfin, disons que dans les domaines artistique et littéraire, jai la chance davoir, sinon du talent, de la passion et de lintérêt pour de nombreux supports (quoique pas tous) et davoir pu, soit que le destin my force, soit que je force le destin, toucher un peu à tous.

MB : Plus sérieusement  Ton prochain recueil, Horizon Motel (Le Calepin Jaune Editions, décembre 2007) mêle nouvelles et poèmes, illustrations et photographies. Peux-tu nous expliquer la genèse de cet ouvrage ? Comment en es-tu venue à utiliser de différents supports artistiques ?

EVG : Ah, si tu me branches là-dessus, jen ai pour un moment.
En fait cest tout bête, en 2001-2002, je traînais beaucoup sur le chat-room et le forum officiel des Red Hot Chili Peppers (depuis je ny vais plus ou très rarement, pas le temps) et, dune part rendant hommage aux chansons des Red Hots, dautre part un grand nombre dentre nous étant des gros fans des Doors et de Jim Morrison, on était plusieurs à y aller de nos petites tirades poétiques, on rivalisait un peu, on samusait, et comme la majorité des gens étaient anglais ou américains, les poèmes naissaient forcément en anglais. Quand jen écrivais des bons, je les notais et cest comme ça que jai rédigé pas mal de poèmes courts pour le plaisir, et je ne les ai plus mis en ligne mais je les ai compilés. Javais aussi écrit à la même époque, fin 2002, pour un appel à textes, une nouvelle sur Jim Morrison, La Route du Lézard à la suite dun rêve que javais fait. Je lavais mise un temps sur mon site en version bilingue puis je lavais enlevée du web.
Après ça, jai eu un petit paquet de poèmes et avec la nouvelle, ça allait bien et je me suis dit logiquement que jallais les faire publier. Comme je suis fan de Jim Morrison qui était comme on sait, outre son talent de chanteur et parolier, un amoureux des poèmes et par ailleurs du cinéma et de la photo, et que jaime bien aussi ce que fait Viggo Mortensen qui a monté sa maison dédition, Perceval Press, il y a pas mal dannées maintenant (où il publie des livres de photos et poèmes ainsi que des CDs de musique pour aller avec - notamment les siens), je me suis dit : je vais soumettre ça chez Perceval Press et on en fera un recueil de poèmes et photos. Jai pas mal de photos en réserve parce que je me suis longtemps trimballée lappareil à la main, notamment quand jétais au lycée, dans les années 1988 : javais pas mal damies assez originales que jaimais beaucoup prendre en photo puis je vivais dans une ville à larchitecture très 'belle époque' et je photographiais beaucoup de lieux, je me la jouais en faisant du noir et blanc et tout, et avec mon petit appareil de rien du tout je faisais des trucs sympas. Javais aussi la marotte de prendre des photos du ciel, de la mer, quand jallais en vacances dans ma Catalogne natale. En vieillissant je lai fait moins systématiquement, mais je photographiais toujours beaucoup parce que je veux absolument capturer ne serait-ce quune rendition amoindrie de ce que je trouve beau, histoire que ça disparaisse moins vite. Du coup je me suis dit : on va la jouer à la Morrison et à la Mortensen et faire ce recueil avec les poèmes, les photos et la nouvelle morrisonienne dans lintervalle jen ai écrit trois autres, que jai ajoutées au recueil quand jai su que jallais le publier au Calepin Jaune Editions.
Ca ma pris du temps pour faire publier ce recueil : chez Perceval Press ils ont dabord cru que cétait des chansons (parce que javais écrit dans la lettre de présentation que javais commencé ça chez les Red Hots et ils ont dû faire une confusion) et me lont renvoyé sans le lire avec ça comme explication. Ensuite jai re-tenté mais ils retardaient sans cesse sur leur site la date denvoi des manuscrits, puis finalement vers 2004 ils ont carrément annoncé quils ne publieraient plus que des livres de leurs auteurs maison. Après jai essayé chez Bitter Oleander et Annes House Press notamment, puis Faber & Faber mais sans succès. Je commençais à en avoir marre lorsque, suite à quelques événements contrariants qui ont donc eu un résultat positif, jai créé Le Calepin Jaune Editions et je me suis dit : « bin voilà : Horizon Motel, tu vas le publier chez toi, et tant pis pour le quen dira-t-on ».
Et pour les supports artistiques variés, ça sest fait comme ça, parce que depuis toutes ces années les photos étaient là, les textes et les poèmes aussi, et que Lord Jim a béni le tout (rires). Mais si je navais pas écrit les poèmes, jaurais quand même fait un recueil de photos, dailleurs je pense que jen ferai certainement dautres uniquement consacrés à mes photos puisque je prends des clichés régulièrement.

MB : Dans Les gentlemen de létrange, on retrouve déjà cette correspondance entre texte et image. Les illustrations sont-elles un « plus » au récit, ou sont-elles nécessaires, ouvrant une nouvelle fenêtre sur lunivers des Gentlemen, livrant une vision différente de Manfred Gladstone et Wolfgang Bloodpint ?

EVG : Disons que jaime bien que les gens aient une idée visuelle de lapparence physique quont pour moi les personnages. Pour Manfred et Wolfgang, comme ils sont inspirés de ma moitié et moi-même, il fallait que les personnages nous ressemblent, sauf que dans mon cas, pour Wolfgang, ça devenait un personnage masculin. Mais jaime bien avoir lillustration avec le texte, ça me permet de donner une autre réalité aux personnages, même si parfois je ne réussis pas à les illustrer aussi bien que je les imagine.

MB : Jai limpression et je crois ne pas trop me tromper sur ce point que tu illustres toujours ce que tu écris.  Pourquoi ?

EVG : Tu as raison, jillustre souvent ce que jécris, même si ce nest pas systématique faute de temps et de technique suffisants. Mais je ne sais pas pourquoi, une façon sans doute, comme je te disais vaguement au-dessus, de créer avec encore plus de précision les personnages. En fait jaimerais bien si je pouvais, carrément photographier ou filmer mes histoires, mais là ça devient trop difficile : il faudrait de « vrais gens » qui ressemblent aux personnages (ça ne serait pas évident à trouver pour tous à mon avis (sourire), des décors de folie, cest un peu irréalisable. Allez soyons fous, je verrais bien Coppola filmer mes textes comme il la fait pour le Dracula de Stoker parce que, même si le scénario nétait pas entièrement fidèle au roman, cétait vraiment un film magnifique. Je verrais bien Hugh Jackman dans le rôle de Wolfgang et Johnny Depp dans le rôle de Manfred et Dita Von Teese en Wilhelmine ya quà se la péter (rires).

MB : Les Gentlemen de létrange vivent dans le Londres de Dracula, dont ils connaissent dailleurs fort bien le « père ». Manfred dirige un asile daliénés où se réfugient détranges créatures, Wolfgang est très proche des enfants de la nuit Doù te vient cette fascination pour les vampires (sous tous leurs aspects) ?

EVG : Jespère que je ne vais pas sembler trop redondante parce quon me pose souvent la question et je ne peux que répondre la même chose.
Mais je ne sais pas, les vampires ça date de toute petite (film de Dracula entrevu alors que jaurais dû être au lit à lâge de 4 ans environ à moins que ce soit davant mais je place ça vers 4 ans, dailleurs il paraît que les enfants ont peu de souvenirs de ce quils ont vécu avant cet âge Il faudrait que je régresse dans ma mémoire mais cest des coups à devenir fou sous lamoncellement de données), comme Morrison dailleurs : on passait souvent Waiting for the Sun des Doors à la radio quand jétais petite, et je détestais (rires), je détestais aussi Dracula et les vampires dont javais une peur bleue. Puis finalement on sest apprivoisés mutuellement et voilà Enfin, disons que les vampires romantiques de la littérature (et du cinéma) sont aussi pour moi le symbole de léchec (même partiel) de la vieillesse et de la mort, et comme dirait Norbert de Varenne dans Bel Ami de Maupassant : « Il arrive un jour, voyez-vous, et il arrive de bonne heure pour beaucoup, où cest fini de rire, comme on dit, parce que derrière tout ce quon regarde, cest la mort quon aperçoit. »
Et cest peut-être pour ça que jai toujours écrit, dessiné photographié et aimé les vampires et les super-héros : avec eux, on a lillusion quon va arracher un petit morceau déternité en plus, quon va empêcher les gens de tomber malades, de mourir Anne Rice la bien rendu dans Entretien avec un Vampire.

MB : D'autant qu'il s'agissait en partie pour elle d'exorciser, d'une certaine manière, la mort de sa fille, si mes souvenirs sont bons. Revenons-en à Manfred et Wolfgang...

EVG : Les gentlemen de létrange auraient pu, en raison du cadre, de lépoque, des thèmes de leurs aventures, donner lieu à un récit sombre et tourmenté à limage de la littérature fantastique de lépoque. Or, il nen est rien. Par le flegme so british des héros, par la présence improbable dErnest et le charme mutin de la belle Wilhelmine, tu rends ce roman très drôle (et grinçant)

MB : Comment te sont venus tous ces personnages farfelus ?

EVG : (sourire) Comme je te le disais, Manfred et Wolfgang sont très inspirés dun couple de personnages un peu farfelus que je connais bien pour en être la moitié, Ernest est un hommage à la souris que nous avions comme Dita est inspirée du chien que nous avons et Wilhelmine cest un peu le mélange entre la Mina Harker de Bram Stoker et la statue détain dune jeune belle du 19ème que jai chez moi (on la voit dans le roman dailleurs) et ; pour le nom, je devais aussi avoir gardé en tête la Minne de Colette, bien quelle nait rien à voir avec le personnage. Il me fallait un personnage féminin, et comme jétais déjà sous forme masculine dans Wolfgang ça ne pouvait pas être moi. Pour Gustock Mespin et les autres personnages secondaires, jai laissé faire linspiration venue de Poe et Conan Doyle, Stoker, Wilde et dautres auteurs que jaime. Je dois dire aussi que la bande dessinée La Ligue des Gentlemen Extraordinaires que je lisais à lépoque ma beaucoup inspirée, notamment en me rappelant combien Mina Harker est un personnage intéressant. Sinon il y a quelques personnages en forme de clins dyeux et dhommages, jy ai glissé Stoker, Morrison, Marilyn Manson mais je vois quon y vient ci-dessous.

MB : Et comment expliques-tu la présence très contemporaine, très allusive et très guest star dun certain M. M. ?

EVG : Eh bien, Eric étant fan et moi-même trouvant le Sieur intéressant, jai logiquement pensé que ça serait très à propos dinclure un personnage un peu sombre, un peu dépravé, qui tenterait de rivaliser avec Wolfgang pour les curs de Manfred et Wilhelmine. Ca me permettait de jouer sur les sentiments et  les pulsions et de mettre un peu le groupe en danger pour quà la fin ils deviennent encore plus soudés. Mais personnellement, Manson ma surtout intéressée quand grâce à lui jai découvert Dita Von Teese (rires).

MB : A propos de Dita Von Teese, jai remarqué que tu avais un intérêt certain pour les pin-up, les marquises et les demoiselles affriolantes, en tenues sexy ou non Mine en est un exemple, Mademoiselle Rose (Des roses et des monstres) en est un autre. Tu as dirigé un hors-série du Calepin Jaune sur les pin-ups Tu as aussi fait une anthologie, Femmes fatales et dames baroques à paraître en mai 2009. Ces pin-up, tu les dessines et les photographies également. Cest un aspect de ton art qui nest pas très connu. Doù vient cet intérêt ? Peux-tu nous en dire un peu plus  ?

EVG : Pareil, cest de toute petite : je dessinais des marquises, des danseuses avec une copine décole pendant létude quand on avait fini nos devoirs, puis plus tard quand jai su mieux dessiner, des super-héroïnes en collants et cuissardes à la Phénix ou Tornade des X-Men version John Byrne, jen ai des cartons pleins. Jaimais bien le dessin de mode aussi, vers 12 ou 13 ans javais envisagé de devenir styliste (eh oui) puis ça coûtait cher en études, cétait pas sûr daboutir, du coup jai laissé tomber et je me retrouve quand même à faire un métier peu « nutritif ».
Après, assez récemment vers 2003-2004, quand jai découvert Dita Von Teese, jai entrepris de dessiner des pin-ups mais en faisant aussi, dans le tas, des portraits de modèles qui existent vraiment, comme Dita, Sabina Kelley, Bernie Dexter, Frankie Sin, et je me suis régalée : en plus ça ma permis de lier connaissance avec elles et ce sont des filles très agréables et abordables qui ne se la jouent pas du tout. Du coup, jai un peu découvert le milieu néo-pin-ups et cest très sympa : des artistes, modèles et photographes qui ont vraiment une passion pour la pin-up et la culture des années 1950 et qui souvent aiment aussi les mêmes choses que nous : le fantastique, les contes, etc.
Pour la photo de pin-ups, je fais un peu avec des bouts de ficelle puisque je nai pas de modèle sous la main donc je me sers en général de poupées-mannequins (ceci dit ça coûte moins cher en décors) et le problème cest que ce nest pas très expressif. Enfin, ça donne des résultats amusants.

MB : Pour conclure sur le thème, deux questions. Lune des collections de Le Calepin Jaune Editions devrait, me semble-t-il, abriter quelques unes de celles belles dames effeuillées. Pourquoi avoir choisi d'ouvrir une collection à dominante érotique ? Que contiendra louvrage de Cyprien Bouton, qui ouvrira le bal en décembre prochain, si je ne mabuse ?

EVG : Ah les femmes, le charme, la volupté, tout un mythe (rires). Cest dans la collection Incarnats, la bien nommée, que ça se passera. A priori, lidée dune collection a dominante érotique ne mintéressait pas du tout, mais nous avions le manuscrit de Cyprien. De plus, il y a souvent des textes à tendance érotique, voire très érotique, dans la littérature fantastique ou dhorreur, lérotisme étant notamment quelque chose de souvent rattaché au vampire. Disons que, pour moi, ça na pas vraiment dintérêt, mes textes favoris sont vraiment très peu érotisés, mais certains gagnent soit en amusement, soit en décadence à en contenir. Jai donc pensé que, tout en ne mélangeant pas ce genre de textes à nos collections « normales », ça pourrait être intéressant de leur laisser une petite place. Par contre, nous allons être extrêmement stricts sur le choix des manuscrits dans cette collection : on ne va pas publier nimporte quel délire crade du premier pervers venu, il faudra vraiment garder à lesprit que la ligne éditoriale est malgré tout un mélange de pudeur victorienne et de libertinage 18ème donc ça pourra être cru, mais il faudra que ce soit classe.
En ce qui concerne Corsets et Crinolines, la novella de Cyprien Bouton, ce sera un livre choquant (en tout cas pour moi qui ne suis pas adepte de la littérature érotique et même hautement érotique, ça lest) et très libertin mais à la fois aimablement écrit, qui mêle donc érotisme et fantastique (je soupçonne Bouton dy avoir mis une marquise et des vampires exprès pour être sûr quon le publierait (rires)... ) et ça se passe au 18ème siècle. Il y a encore de quoi creuser pour arriver à une écriture plus aboutie, mais lauteur a certainement un vrai don littéraire. Moi ça me rappelle Sade, mais jimagine que les gens qui connaissent bien ce genre de littérature trouveront dautres références. L'un des autres intérêts non négligeables de ce livre, ce sont les superbes photographies de Shannon Brooke (cest justement une photographe de pin-ups années cinquante, mais, comme nous, elle aime les marquises et avait réalisé spontanément cette série en couleurs, que jai immédiatement repérée) qui agrémentent la couverture et lintérieur du livre.

MB : Le Calepin Jaune Editions est une maison un peu inhabituelle, dans le paysage littéraire actuel par la diversité des thèmes quelle propose tout en demeurant extrêmement cohérente et par sa devise «Nous publions aujourdhui les livres rares de demain ». Comment est née cette maison dédition ? Quelles en sont les particularités ? 

EVG : Quand jai créé avec mes acolytes Le Calepin Jaune sous forme fanzine en 2003, javais déjà lidée de faire une maison dédition. Je ne me sentais pas prête cependant à assumer cette charge et par ailleurs je pensais quil fallait absolument être une SARL avec un capital de départ conséquent. Puis début 2007, ayant eu quelques démêlées et déceptions avec certains éditeurs (qui pour les droits dauteur, qui pour les sorties de bouquins retardées), jen ai eu ras le bol et je me suis dit que jallais monter ma propre maison, dune part, pour y publier certains de mes livres (eh oui, parfois on en a tellement assez quon nest jamais si bien servi que par soi-même) et, dautre part, pour avoir loccasion de publier des auteurs, des photographes et des illustrateurs dont jaime le travail et qui nont pas toujours lattention quils méritent. Ensuite jai vu quon pouvait très bien être une association et rémunérer tout de même les auteurs, et démarrer sans capital parce quavec limpression numérique, on était plus obligé dimprimer de grandes quantités davance et quon pouvait même faire ça à la demande. Du coup, on a adopté le système des souscriptions, qui nous permet de financer la première impression dun ouvrage, et voilà. On ne gagne pas grand chose et on est tous bénévoles dans léquipe (comité de lecture et administration), mais on peut imprimer les livres et verser des droits aux auteurs sans oublier de garder de côté pour la TVA, les impôts et autres joyeusetés. A terme, jespère quon pourra faire assez de bénéfice pour imprimer les livres davance sans attendre les souscriptions.
Les particularités sont quon essaie de faire beau, bon et original, de donner aux lecteurs de la qualité et aux auteurs et artistes une certaine liberté dans la conception de leurs ouvrages. Et aussi quils sachent quavec nous, même si on ne verse pas des ponts dor, ils sont dans une maison dédition stable, honnête et attachée à ses convictions, bref des gens sur  lesquels ils peuvent compter. En fait, on laisse pas mal de liberté aux auteurs, notamment la possibilité de choisir la personne qui illustrera leur ouvrage (parfois cest nous qui proposons tel ou tel illustrateur quon connaît et si ça colle avec lauteur, ça se fait), de nous indiquer leurs préférences quant à la maquette (tant que ça reste dans le domaine du réalisable), ce genre de choses. Evidemment il faut quon trouve ça bien aussi, mais disons que la discussion est ouverte, on ne dit pas à lauteur « tiens tu auras ça comme illustration et si ça ne te plaît pas cest pareil ».
Cest aussi une preuve douverture de notre part car, parfois, les auteurs choisissent des illustrateurs ou des photographes vers lesquels nous ne nous tournerions pas spontanément, ou que nous ne connaissions pas, et disons que, même si le travail de lartiste ne nous intéresse pas forcément à titre personnel, nous avons lesprit assez ouvert pour reconnaître ses qualités, et aussi pour voir que le rendu esthétique sera beau et susceptible de plaire à nos lecteurs (cest dailleurs pour cela que nous nacceptons pas les soumissions de livres dart ou de recueils photos mais que nous allons nous-mêmes prospecter sur le web ou dans les revues pour trouver des artistes dont le travail nous fait penser : « je veux consacrer un livre à cet artiste »). Pour expliquer ça de façon plus imagée, il y a quelque chose dans certaines oeuvres qui, même si je ne choisirais pas les artistes par exemple pour un recueil dillustrations ou de  photographies, fait que je dirais « oui, ça, je veux le publier » parce que cest superbe dans la qualité de lexécution, et dans limagination, et que ça colle avec le travail de lécrivain et le style de louvrage, et ça lappuie et le met en valeur. Dans les cas où on trouve vraiment que ça ne va pas, on le dit : lauteur essaie de suggérer dautres artistes et nous lui en suggérons aussi. Pour tout te dire, je pense que nos livres ont la qualité de livres rares dès aujourdhui.
La seule chose qui nous « handicape » vraiment dans la maison, cest que financièrement nous navons pas de gros moyens et donc, nous sommes obligés dêtre très prudents à tous les niveaux, notamment la distribution, même si nous tenons absolument à donner un maximum de visibilité et daccessibilité aux auteurs. Par exemple nous allons bientôt entrer en Fnac, et si je veux pouvoir tenir le rythme, il faudra vraiment en amont que les souscriptions pour les ouvrages me permettent de lancer des tirages plus conséquents afin dapprovisionner tout ça, sinon je devrais me « freiner » et ne faire que la distribution par internet et dans quelques librairies de Paris et de Province à moins que je fasse subitement fortune ou que de généreux mécènes nous fassent des dons conséquents (rires).

MB : Comment sont nées ces différentes collections aux noms aussi évocateurs que Incarnats, Passe-velours, Turquoises ou Sépia ?

EVG : Cest mon côté illustratrice : jaime les couleurs et les noms de couleurs, et on les a adaptés au contenu de chaque collection ou le contenu des collections sest adapté au nom des couleurs.

MB : Il n'y a pas seulement du fantastique, il y a également outre la fameuse Incarnats d'autres collections qui ne sont pas spécifiquement dédiées aux littératures de l'imaginaire. Pourquoi un tel éventail ? Ne crains-tu pas que d'aucuns puissent penser que c'est un spectre un peu trop large pour tenir la route ?

EVG : Effectivement on a de lillustration, de la photographie, de la poésie, des ouvrages en anglais. Javais envie de pouvoir publier tout ce qui me plaît et dans chacun des domaines qui mintéressent, même sil y en a dautres que je nai pas forcément pensé à aborder dans ces collections, comme le cinéma par exemple. Disons que jai aussi monté cette maison déditions parce que jen avais marre de ne pas trouver ailleurs tout ce que je voulais dans loptique que je souhaitais et je me suis dit : je vais le faire. En outre ça permet aux auteurs de se consacrer à des projets originaux qui ne seraient pas forcément pris ailleurs parce que trop audacieux, trop hors-normes, trop ceci ou cela et chez nous cest : « si nous aimons, nous publions ». Et puis les lecteurs sont parfois un peu restreints dans les choix proposés de leurs « idoles » chez dautres éditeurs, nous leur donnons la possibilité de découvrir toutes les facettes de leurs auteurs favoris : si ça ne les intéresse pas, personne ne les force, mais sils souhaitent avoir le choix de ce « large spectre », nous sommes là pour eux. En plus, nous essayons de donner leur chance à des auteurs qui ne sont pas encore ou peu publiés mais dont le travail est beau et mérite quon le fasse découvrir au public.
Après je ne sais pas si certaines personnes penseront que ça ne tient pas la route, le fait dêtre diversifié. Ce que je vois, cest mon plaisir avant tout (sinon je naurais pas pris la peine de me donner le travail de titan quexige la direction dune maison déditions, même une toute petite comme Le Calepin Jaune Editions), ainsi que celui des auteurs, artistes et lecteurs qui font, dun côté comme de lautre, la vie de la maison. Je suis quelquun qui a des activités et des goûts artistiques et littéraires très vastes et diversifiés (dailleurs je pense que nous sommes nombreux dans ce cas) et il fallait que ça puisse sexprimer aussi dans ma maison déditions. En gros, me cantonner à un seul genre en me frustrant, par exemple si je publiais de la littérature fantastique au sens strict et rien dautre, me privant ainsi dillustration, de photo ou du reste, ce serait ridicule.
Après, tenir la route, ça dépend surtout matériellement de la gestion financière et mentalement de la largeur dépaules du capitaine ainsi que du courage de léquipage, parce que les lecteurs, eux, sont là, et nos livres les intéressent. Les auteurs et les artistes sont là, et être publiés chez nous les intéresse, pas tant du point de vue financier, forcément, que du fait que nous respectons leur personnalité et leurs désirs quant à leurs ouvrages. Evidemment, au vu du fait que nous laissons beaucoup de liberté (bien que la décision finale sur la forme dun bouquin appartienne à léquipe, elle est en général prise avec lauteur en accord avec ses désirs) aux auteurs et artistes dans la conception des  livres, et quon prend, pour certains qui débutent, le pari de les lancer, on attend que ces derniers en tiennent compte (sourire).
Enfin, disons que Le Calepin Jaune Editions cest une maison axée sur le plaisir des auteurs, artistes, lecteurs et de léditeur et son équipe, qui ne va pas forcément faire de gros sous parce que cest très difficile et que le métier est assez impitoyable, mais qui va tenter de durer pour offrir de belles choses, marquantes et originales. Et plus nos moyens financiers augmenteront, plus nous pourrons améliorer la qualité physique des ouvrages en général (impression, choix du papier, notamment), loriginalité des éditions spéciales etc.

MB : Le prochain ouvrage du Calepin jaune éditions est Fo/Véa, premier volume de Error_type, diptyque de Léa Silhol, lune des grandes dames des littératures de limaginaire aujourdhui. Quels seront les teintes dominantes de ce double recueil ? Quels en seront les thèmes ?

EVG : Ca il vaut mieux le demander à lauteure car je ne sais pas sil est bienvenu que je le dévoile. Ce que je peux te dire, cest que louvrage en lui-même est surprenant, dans sa maquette et dans son contenu, il dévoile des faces latentes de Léa tout en tissant une continuité avec ce quelle a déjà fait et je pense avec ce quelle fera. Ce sont des nouvelles, dont la plupart sont inédites et certaines déjà parues il y a longtemps mais très remaniées ; cest agrémenté de photographies faites par Mad Youri et certaines par Léa et quelques illustrations (de votre serviteur) que lauteur ma demandées et je me suis fait une joie de les réaliser, sans compter la couverture la normale et lalternative , réalisée par PFR.

MB : En dehors de Léa Silhol, avec laquelle tu as déjà travaillé et dont, si jai bien compris, Le Calepin jaune Editions publiera également des poèmes, quels seront les prochains ouvrages de la maison  déditions ? Que contiendront-ils ?

EVG : Il y aura, à part les trois ouvrages de Léa Silhol, dont lun est un recueil, davantage de chansons que de poèmes en quelque sorte, et lautre un recueil de nouvelles qui fait suite au premier et corps avec lui, entre autres des ouvrages de Charlotte Bousquet (pour le moment un roman sombre et un roman qui se passe dans lantiquité, mais on envisage de collaborer encore après ça), de Léonor Lara (un recueil de nouvelles axé sur ses textes de fantasy et de chevalerie et un autre ayant pour cadre Naples), qui sont des auteurs que jaime beaucoup et à qui je veux aussi donner davantage dexposition, un recueil dillustrations de Natalia Pierandrei, une illustratrice italienne  incroyablement talentueuse que jai découverte en 2004 et que jétais impatiente davoir la possibilité de publier (on a déjà eu deux couvertures delle au Calepin Jaune pour le fanzine et je menorgueillis davoir été la première revue française à la publier à lépoque). Il y a aussi le livre de Cyprien Bouton en décembre tout un programme (rires). Enfin, je ne pourrai certainement pas éditer tous les auteurs dont jaime le travail, faute de temps et dargent, mais dans la mesure du possible jessaierai. Je compte aussi faire dautres recueils dillustrateurs et de photographes, notamment un recueil de Shannon Brooke que nous sommes en train de mettre au point, jespère que ça se concrétisera.

MB : Pour en revenir à des préoccupations plus littéraires il me semble ne pas avoir rêvé, tu prévois pour février 2009 le deuxième tome des Gentlemen de létrange Où emmèneras-tu Manfred et Wolfgang, cette fois ? As-tu déjà commencé à rédiger leurs aventures ?

EVG : Jai commencé, ça sintitule Imago et cest un secret mais je peux déjà te dire quils visiteront la Chine et la Russie et pourquoi pas la Nouvelle Orléans. Et même, en ce moment, je rédige un roman qui na rien à voir (inspiré de Colette et de Maupassant entre autres auteurs de la fin du 19ème bon Colette était aussi là au 20ème mais ce nest pas le côté que jévoquerai , pour ne pas te le dire et qui se passe comme de juste au 19ème, mais ça ne sortira pas chez Le Calepin Jaune Editions par contre. Jai aussi un projet de recueil, un nouveau, mais là aussi je ne sais pas encore qui léditera, ce ne sera ni mes éditeurs précédents, ni Le Calepin.

MB : Estelle, une dernière  pour terminer... Quelle est la question à laquelle tu refuserais absolument de répondre ? 
 
EVG : Celle-là *rires*. Plus sérieusement je pense qu'on peut répondre à pratiquement toutes les questions et il ne m'en vient pas à l'esprit d'"irrépondables".

MB : Merci, Estelle, davoir répondu à cette interview-fleuve !

EVG : Merci à toi de me lavoir proposée, douce Meredith, et davoir supporté mes sempiternelles réponses de 10 kilomètres de long.

Estelle Valls de Gomis : http://www.kingdomsofestel.com
Le calepin jaune Editions : http://www.editions.lecalepinjaune.com

Ecrite par Mérédith Blixen, le 15 Octobre 2007 à 21:10 dans la rubrique Interviews .
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Duchesse...
Ecrit par charlotte le 17 Octobre 2007

C'est le surnom de Meredith Blixen, Duchesse d'Erat ? Ce n'est pas Polgara, normalement ? 

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