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Petit, Audrey

 
  Petit, Audrey
 

Interview d'Audrey Petit recueillie par Bibirox.

Bibirox : Ce qu'on appelle fantasy fait souvent débat. Quelle est votre propre définition du genre ? Y englobez-vous la littérature du merveilleux ?

Audrey Petit : Vaste question, à laquelle ont été consacrés des essais entiers
Simplement pour donner quelques limites et cerner un peu les choses, disons que je vois la fantasy comme un genre qui a évolué selon trois paliers : le premier avant le 20e siècle, la fantasy " avant la fantasy ", si l'on peut dire, " aux sources " du genre : les mythes et légendes, l'épopée, les contes, les romans d'aventures Puis un deuxième palier, décisif, sorte de " fantasy en acte ", incarnée, avec Howard et Tolkien, essentiellement, qui donnent au genre ses lettres de noblesse, ses grandes lignes : la quête initiatique et la notion d'apprentissage, l'aventure qui manque au cur du quotidien, l'importance du cheminement, de l'errance, les épreuves, les rencontres. Enfin un troisième palier, depuis 50 ans environ, qui voit l'épanouissement du genre en de nombreuses déclinaisons : science-fantasy, heroic, high, ou light fantasy, fantasy policière, exotique ou romantique et l'utilisation des mythes et des légendes, des ressorts propres au roman d'aventure classique. La fantasy aujourd'hui, c'est tout cela, pas toujours tout cela, mais des combinaisons de ces apports du passé écrits ici et maintenant.
Il faut également ajouter que le terme " fantasy " est devenu un terme générique, commode, qui permet d'épingler un plaisir spécifique de lecture, une émotion particulière nés d'un rapport merveilleux à l'enfance. De ce point de vue, le merveilleux - c'est-à-dire l'étonnement et l'admiration mis ensemble - est constitutif de la fantasy.

B : Pourquoi une collection consacrée à la fantasy, quand on sait que les frontières entre ce genre, la SF et le fantastique sont souvent assez floues ? La science-fiction ne risque-t-elle pas de souffrir de la multiplication des collections où la fantasy semble faire bande à part ?

AP : Les frontières entre telle ou telle variante de la fantasy sont peut-être floues, mais pas entre les trois genres. Elles sont au contraire marquées. Les romans qui mêlent les trois genres ou deux des trois genres ne sont pas légions, et les lecteurs qui passent sans problème de l'un à l'autre non plus ; de même, les nombreux essais qui leur sont consacrés ne les confondent pas. Bien sûr, tout cela n'interdit pas des passerelles. Par ailleurs, si les trois genres n'ont pas les mêmes sources ni les mêmes auteurs, ils ne posent pas non plus le même type de questions. Certes, ils entretiennent tous les trois un certain rapport à l'imagination, les trois genres investissent plus que la réalité : le futur, le surnaturel ou le merveilleux.
Par ailleurs, je crois qu'on a moins d'intérêt à les confondre qu'à les distinguer, qu'on soit lecteur ou éditeur : comme je le disais plus haut, la part du public qui passe régulièrement de l'un à l'autre est finalement assez faible, par rapport aux amateurs de tel ou tel genre. Pour le dire rapidement, ceux qui aiment la fantasy sont des lecteurs de romans historiques, de romans sentimentaux, les lecteurs de science-fiction sont plutôt de gros consommateurs d'Internet, d'essais et de revues scientifiques, tandis que les amateurs de fantastique se tourneront volontiers vers le roman policier. On imagine donc mal qu'un genre puisse prendre des lecteurs à un autre, et le débat qui consiste à dire, par exemple, que la fantasy " vole " des lecteurs à la science-fiction me paraît impertinent. Le lecteur sait très bien ce qu'il lit. Ensuite, qu'un genre ait le vent en poupe, ou que l'occupation du temps consacré aux loisirs ne se fasse pas de la même manière qu'avant, c'est une autre histoire

B : Quels sont les auteurs que vous comptez mettre en avant ? Envisagez-vous de publier des auteurs peu connus, ou bien s'agit-il avant tout de se concentrer sur les best-sellers, comme il est souvent le cas en poche ?

AP : Les deux. Et aucun n'est écarté a priori : une collection poche a complètement vocation à éditer des best-sellers, par son économie et ses tirages (et puis quel éditeur ne voudrait pas éditer des best-sellers ?), et c'est la mission de l'éditeur que de faire connaître de nouveaux auteurs ou d'autres moins connus. L'un sans l'autre est intenable. Le métier d'éditeur repose sur l'envie et la volonté de faire découvrir un auteur, un texte, une voix singulière. Best-sellers et textes plus confidentiels ont tous deux leur place dans une collection et participent à l'édification d'un catalogue, à son identité.
Concrètement, à côté des Dames du lac de M.Z. Bradley, de Bilbo le Hobbit, de J.R.R. Tolkien, ou de La Trilogie de Bartiméus, de J. Stroud, on trouve des romans beaucoup moins connus comme celui de C.S. Lewis, Un Visage pour l'éternité, même si l'auteur est connu, ou comme Les Enchantements d'Ambremer, de P. Pevel.

B : Quels seront vos partenaires éditeurs ?

AP : Nous souhaitons avoir un apport diversifié et, en même temps, j'aimerais qu'il y ait au sein de la collection une forme d'homogénéité : toujours de la fantasy donc, des auteurs best-sellers et des textes et auteurs moins connus, mais toujours aussi le transport et le plaisir spécifiques à la lecture " fantasy ". Et c'est tout ce que je puis vous dire :).

B : Pouvez-vous nous donner un aperçu des parutions définies pour les prochains mois ?

AP : En juin, le premier volume de la Trilogie de Bartiméus, L'Amulette de Samarcande, de Jonathan Stroud, ainsi que celui de La Pierre de Tu-Hadj, d'Alexandre Malagoli. Le Chevalier, de Gene Wolfe et La Maison d'oubli, d'Elisabeth Vonarburg, sans oublier la réédition sous nouvelles couvertures et maquettes des Dames du lac, de M.Z. Bradley et de Bilbo le Hobbit de J.R.R. Tolkien. À l'automne, les suites des cycles de Dave Duncan, Les Lames du roi, et de J.V. Jones, Le Livre des mots, puis Le Bois de Merlin de Robert Holdstock et le premier volume du Cycle de Merlin, de Mary Stewart, ainsi que la réédition complète du Cycle de Pendragon, de S. Lawhead. Pas mal de fantasy celtique, en somme !

B : Pensez-vous publier des ouvrages à licence, comme certains romans inspirés de jeux vidéo célèbres ?

AP : Pourquoi pas ? Pourvu que les romans soient intéressants, et qu'ils répondent aux critères de la collection.

B : En un mot, on reproche assez souvent à la fantasy d'être de la fausse littérature. Selon vous, quelle en est la principale raison ?

AP : Et que pourraient bien être une vraie et une fausse littératures ? Il y a de la littérature, et c'est tout.
Plus sérieusement, vous faites sans doute allusion à la dichotomie toute française qu'on tient entre les romans sérieux et les " mauvais genres " (et ils sont nombreux, disons le roman policier, le thriller, l'horreur, la science-fiction, la fantasy, les romans sentimentaux, la bande dessinée, le manga, les comics) Je ne reviendrai pas là-dessus : voyez tous les forums, les interventions et discussions sur le sujet depuis la nuit des temps. De la même manière que certains États choisissent de se priver de la moitié de l'intelligence de leur peuple (généralement les femmes), certains lecteurs choisissent de se priver de la moitié ( ?) de la créativité des auteurs.
Autre problème généralement soulevé : le style. D'abord la fantasy est par nature et tradition anglo-saxonne. Ce qui signifie qu'on lit des traductions : même les plus fidèles échoueront à rendre exactement le rythme et le phrasé de la langue d'origine. Et tout le monde ne s'appelle pas Baudelaire. Ensuite, je crois vraiment que le style n'importe pas, en fantasy comme en science-fiction, ce qui ne signifie pas qu'il faut écrire n'importe comment, ou inversement que les textes particulièrement stylés seront disqualifiés, mais que ce n'est pas là que ça se joue. La fantasy et la science-fiction doivent raconter un certain type d'histoires, elles ont également à voir avec la création d'univers ; elles sont souvent parfaitement servies par des styles fluides et simples qui, soit dit en passant, nécessitent un vrai savoir-faire. Tout cela n'empêche pas certains auteurs de trouver dans le genre l'occasion d'une recherche stylistique, mais l'entreprise demeure rare et on se situe alors sur un autre terrain.

B : Un petit mot sur votre rapport personnel à la fantasy : quels sont vos auteurs préférés ? Comment en êtes-vous venue à apprécier le genre ?

AP : D'abord par les sources : le merveilleux des contes, surtout Andersen, puis les frères Grimm et Perrault, et les contes russes illustrés par Bilibine. Mais l'émotion originelle, c'est Tove Jansson et les Moumines. Un choc, l'expérience de la lecture comme risque, une approche du merveilleux inquiétante, qu'on retrouve un peu actuellement sous la plume de Caroline Stevermer. En tout cas un moment déterminant pour la suite.
Plus tard, j'ai dévoré les romans qui revisitent la matière de Bretagne et la quête du Graal, notamment ceux de M.Z. Bradley et de Barjavel (Les Dames à la licorne et L'Enchanteur). Il y a eu également la mythologie grecque, et les lectures modernes de l'Antiquité : Anouilh, Giraudoux. Et les romans de cape et d'épée, Dumas, bien sûr, le Capitaine Fracasse, ou encore Rostand et Féval. Et Barrie, un peu après. Ensuite, mais finalement assez tard, il y a eu Tolkien, avec Sylvebarbe et Sam : " et alors, on pourra se reposer et dormir un peu " (je suis désespérément amoureuse de Sam :)). Et Howard, trop mal connu : " I will come to Belverus for her as I promised. She was a slave in Nemedia, but I will make her queen of Aquilonia ! "
Plus récemment, j'ai lu avec bonheur les romans fantasy des auteurs comme R. Hobb, J. Clemens - une intrigue particulièrement prenante et des personnages très touchants ! - ou C. Dufour, D. Gemmell, C. Marchika, S. Brust, L. Kloetzer, P. Pevel, C. Stevermer Il faudrait aussi parler des films et des séries, de Miyazaki, d'Escaflowne, de Buffy et de Kaamelott, de l'adaptation du Seigneur des Anneaux par Jackson

B : Ces dernières années, quelles évolutions majeures ont selon vous affecté la fantasy ? Cette évolution sera-t-elle représentée dans vos publications, et si oui, de quelle manière ?

AP : Déjà, il y a plus de publications fantasy en France et plus d'auteurs qui en écrivent. Ça veut dire qu'il faut choisir ; mais ça permet aussi de nourrir le genre, de l'enrichir. Par ailleurs, la fantasy depuis quelques années se décline en jeunesse, sans qu'on sache toujours bien si elle s'adresse seulement aux jeunes : je pense à Harry Potter, bien sûr, mais aussi à Pullman, Colfer et Stroud. Ensuite, il y a eu l'adaptation au cinéma du Seigneur des Anneaux, trois longs films pour une histoire qui se suit rigoureusement. Un public qui n'était pas forcément coutumier du fait a découvert un certain type d'histoires, plus longues, épiques et dans lesquelles la magie fait partie intégrante de l'univers. Et des auteurs francophones : ça aussi, c'était nouveau, cette idée que le genre pouvait être investi dans nos frontières. Toutes ces évolutions se retrouvent au sein de la collection : le Livre de Poche possède désormais une collection dédiée, identifiable comme telle. Elle intègre ponctuellement des auteurs vendus d'abord en rayons jeunesse en grand format (J. Stroud et la Trilogie de Bartiméus), elle publie des cycles longs (D. Duncan et J.V. Jones, par exemple) et des romans de fantasy plus courts (celui de Lewis, ou le Hobb), et fait une vraie place aux auteurs francophones (P. Pevel, A. Malagoli et E. Vonarburg, pour le moment).

B : La fantasy est un genre aux codes assez précisément définis. Comment pensez-vous que les auteurs de demain parviendront à renouveler le genre ?

AP : La fantasy est certes un genre codifié, mais la matière est riche (regardez ce que parvient à faire G. Wolfe, par exemple). Au regard du merveilleux ou du roman d'aventure, on peut également se dire que la fantasy est un genre qui n'est pas si vieux Et puis je voudrais tout de même ajouter que la fantasy, plus que les autres genres, trouve aussi sa force dans ses codes, justement, dans une forme de fidélité et d'authenticité ; ce que lui reprochent ses détracteurs est précisément ce que ses amateurs, son public aiment. On aurait donc tort de sous-estimer le rôle et l'importance des repères, des émotions et mêmes ingrédients qui façonnent le roman de fantasy : prenons une métaphore culinaire :), quand on tient une bonne recette, on refait le gâteau et on le déguste à chaque fois avec autant de plaisir ; c'est la même recette, les mêmes ingrédients, mais c'est un autre gâteau, un autre moment. Ce que je veux dire, c'est qu'à chaque fois, ça marche, on " se fait avoir " : si on ne croit pas qu'il y a de l'enfant dans l'adulte, non pas de l'irresponsabilité mais la capacité à s'étonner et à s'émerveiller, si on ne suspend pas régulièrement l'incrédulité alors oui, mieux vaut ne pas lire de fantasy !

B : Un conseil de lecture pour nos visiteurs, en guise de conclusion ?

AP : Tout ce que j'ai cité précédemment, au fil de mes réponses. Et pour changer de registre : Rêves de garçons, de Laura Kasischke (C. Bourgois Éd.) Une équipe de cheerleaders part en camp de vacances, l'une d'elles sourit à un autochtone, et tout bascule. Plus fin et plus dur que Chuck Palahniuk.

Ecrite par Bibirox, le 25 Juin 2007 à 09:06 dans la rubrique Interviews .
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