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Duchemin, Gérald

 
  Duchemin, Gérald
 

Interview de Gérald Duchemin recueillie par Polgara.

Polgara : Carmélia explore le thème des maisons hantées du point de vue de l'habitation. Comment vous est venue cette idée ?

Gérald Duchemin : de Cioran. Je suis un fieffé lecteur du vieux sage roumain. Dans son Précis de décomposition, au chapitre Abdications, il fait parler successivement une corde, une fenêtre, et autres gentilles bestioles si attachées au destin des suicidaires... Ce fut comme un mot d'ordre cette lecture. Je me jetai immédiatement sur une feuille, et j'écrivis avec une joie horrible, les toutes premières lignes de Carmélia. J'avais trouvé la voix, je veux dire le timbre et le ton de voix si particulier de la mansarde. C'était vivant, méchamment vivant, et je me devais de continuer, sous peine de crever empoisonné par ce venin qui sortait, et dont je ne soupçonnais absolument pas l'existence.

P : Plus généralement, quels thèmes vous inspirent ?

GD : aucun thème ne m'inspire. Mais j'ai un gros sac d'obsessions, je fais avec, obligé. C'est très dur pour moi de répondre à un appel à textes par exemple, car je n'écris qu'à partir de ma " substance ", psychique, et physique. C'est mon premier instrument ce sac d'obsessions, et peut-être mon seul talent. Le foetus, par exemple, en est une ; c'est sans doute la plus grosse du sac. Mais il y en a d'autres, comme la lutte, le combat corps à corps, ou la goutte d'eau...
Mieux : j'écris surtout à partir de ce que j'ignore de moi, je fouille, et trouve des choses pas très catholiques, souvent noires, pas toujours ; c'est là que se joue ma vocation, j'écris pour tenter de me connaître, quitte à ne pas me reconnaître trouver au fond de l'inconnu du nouveau...

P : Il semble que la musique ait une certaine influence sur votre écriture : les scènes mises en musique sont très réalistes et semblent provenir de situations vécues. Quelles musiques vous influencent ?

GD : Vous parlez sans doute des tableaux oniriques de Carmélia ? La seule musique qui m'ait influencé ici est celle de Nerval et son Aurélia. Clarté absolue de ton, mais visions délirantes, et pourtant construites... Sinon, j'aime la musique qui explore la même sensibilité, la même part de gâteau noir, que celle de mes auteurs chéris, comme Baudelaire, Poe, Cioran, Wittkop. Mais en aucun cas, la musique proprement dite, ne m'influence. En revanche, elle me donne des forces, elle me soulève, et me donne souvent l'illusion de voler. Si influence il y a, je ne sais pas la mesurer.

P : Etant issue d'une formation de juriste, j'ai l'impression que vous avez vous-même fréquenté les bancs d'une fac de droit. Quelle est la part d'autobiographie dans votre roman ?

GD : Exact, j'ai fait mon droit, comme on dit... A Montpellier. Mais seul mon style est autobiographique Je le dis avec un brin de pose, mais je crois que c'est vrai. Un choix de mot, un amené, une expression bousculée, une manière d'amorcer un paragraphe (et de le clore), ma passion pour les phrases qu'un verbe termine, en disent probablement plus long sur ma petite personne, que la liste, bigrement captieuse, des faits dits " autobiographiques ".

P : A l'inverse, comment avez-vous abordé la part inventée de votre roman ? En avez-vous profité pour embellir certaines choses ou régler des comptes ?

GD : Selon moi, écrire c'est dire la vérité, et ne pas raconter des histoires, justement... Et dire la vérité est une libération totale. Donc j'écris pour être libre. La fable est sans doute l'une des dimensions de la vérité, ou des vérités humaines. Elle parle plus qu'un récit soi-disant réaliste. Elle en dit plus parce que le détour fantastique prend sa source dans notre psychisme le plus reculé ; si notre cerveau a créé des vampires, et autre mythes, c'est qu'il en a le plus grand besoin. L'âme ne saurait faire l'économie de sa liberté de créer ; elle en crèverait la pauvre, et elle a si peu d'attache avec la réalité, ce que dans mon roman, je nomme le monde de la surface... Par ailleurs, dans Carmélia, effectivement, un règlement de compte a lieu. Je dissèque le ridicule, et sans doute la laideur, de ceux qui n'osent pas affronter la vie, les autres, le monde extérieur. Ceux qui ont peur, ceux pour qui la vie elle-même est une véritable terreur. A 20 ans, je devais puer le renfermé à trois kilomètres à la ronde.
Un paradoxe donc, d'un côté la nécessité de la fable, de l'autre, notre devoir d'affronter le réel. Wilde dirait ici que le réel imite la fable, et il n'aurait pas tort. La vérité est un paradoxe de Wilde.

P : Carmélia est-elle une pure création ou l'interprétation d'une vieille dame indigne bien réelle ?
 
GD : Carmélia, c'est le nom donné, non pas tant, au final, à la pulsion du repli sur soi, qu'à la joie sadique de la dépression elle-même... Dans L'Enfer de Dante, lorsque le poète italien accompagné de Virgile arrive devant la porte : la porte parle, et leur prie de bien vouloir déposer ici tout espoir... Avec Carmélia, (toutes proportions gardées !) j'ai juste donné à cette porte un ton de voix proche d'une Tatie Danielle de briques et de plâtre. Un décalage humoristique, mais que j'assume, il m'a permis de dire certaines choses. J'ai pu forer un peu plus loin que si j'avais raison gardé, comme on dit... Carmélia, je le rappelle, est une mansarde ; il me fallait aussi cette expression physique du cocon urbain, cet " étouffoir ", cette part obscure de tout un chacun.

P : Pour ceux qui ne sont pas des fans absolus de Mylène farmer, quelle est donc la fameuse chanson à laquelle vous faites référence dans votre roman ?

GD : Plus Grandir. J'aime beaucoup cette chanteuse, surtout ses trois premiers albums. C'est une violente, une cruelle, certaines de ses chansons relèvent du conte noir, très noir. Et la noirceur, savez-vous, qui est une part de la beauté, nous avons autant besoin de l'exprimer, que de jouir de ses expressions.

P : Les locataires de Carmélia sont de jeunes hommes entrant dans la vie adulte. L'action de Carmélia, à savoir les manipuler pour les conduire vers une mort certaine, révèle la fragilité de l'individu pendant cette période de transition. Y avez-vous pensé pendant l'écriture de votre roman ?

GD : J'en étais même obsédé... Ce roman est avant tout un voyage intérieur, au coeur même d'une âme un poil détraquée ou déliquescente. Je comprends qu'il puisse être insupportable à certains.

P : Pour vous, la fin de l'enfance constitue-t-elle nécessairement une forme de mort ?

GD : On croit venir du ventre de notre mère, mais il y en a une autre de mère, c'est l'Enfance. Deuxième ventre, donc. Et en sortant, ben comme pour le premier : on crie. Deuxième naissance, donc, plutôt que forme de mort... Mais les extrêmes se jumèlent extrêmement

P : Parlons écriture maintenant. Basez-vous systématiquement votre trame narrative sur la tension psychologique ?

GD : ce qui m'intéresse c'est moins la psychologie, que  le psychisme... la psychologie reste pour moi à un niveau superficiel de l'existence, on peut analyser, cataloguer, nos relations avec les autres, nous-mêmes, notre enfance, nos petits malheurs, personnels et sociaux... Mais tout cela ne pèse pas lourd face à la substance de notre psychisme, notre psyché, notre âme pour parler autrement. Bref notre monde intérieur, notre " lave intérieure ", dont les souvenirs des rêves nous donnent qu'un faible aperçu... C'est cela qui me passionne vraiment. Et la fable, le conte, le poème (évidemment, mais je ne suis pas capable d'en écrire), sont de véritables portes, d'ivoire et de corne, qui ouvrent sur la vérité de nos âmes.

P : Comment abordez-vous l'acte d'écriture ? Comme un besoin, un exutoire, une analyse, un tourment ?

GD : Tout cela, rien de cela... J'ai écrit une fable pour répondre à la question. Cela s'intitule Conte de la Chouette aveugle. En l'écrivant, en 2003, j'ai compris que j'écrivais pour me donner à manger, me nourrir. Que la sécrétion de mots pouvait remplir ma panse... En espérant remplir celle des autres, les éventuels lecteurs, et lectrices. Paradoxalement. Mais avant tout, sans doute, écrire est un acte d'amoureux, on écrit parce que on est amoureux de l'art, en l'occurrence la Littérature.

P : La relecture et les corrections, plaisir narcissique ou torture absolue ?

GD : Joie folle à traquer mes travers, supprimer les redites, débusquer les faiblesses... Et délire chérubinique lorsque, au moment des corrections, je suis amené à écrire une autre phrase, un autre mot, en plus, imprévu, et qui devient cerise, pépite du paragraphe. Pour le prologue de Carmélia, jai écrit 10 versions successives par exemple, pour vous donner une idée.

P : Pensez-vous continuer d'écrire de la littérature fantastique ou comptez-vous explorer d'autres genres littéraires ?

GD : Beaucoup de ce que j'écris est " borderline " comme m'a dit Léa Silhol (dont j'attends le nouvel opus avec impatience, une vraie torture). Et c'est vrai que mon second roman, L'Echafaud, devenu L'Echafaud ou L'Excentrique Monsieur Céraste, sous sa nouvelle jaquette, relève plus de la littérature générale, c'est le portrait d'un critique littéraire féroce, franchement odieux : il y a un enjeu littéraire, peut-être, dans les juteuses expressions de la méchanceté... Sur ce terrain miné, le duc de Saint Simon est quasi insurpassable.

P : Quels sont vos projets d'écriture ? Un autre roman ? Des nouvelles ?

GD : un troisième roman est en chantier, construit comme une suite de nouvelles... A propos d'un ange bien particulier. Un recueil de nouvelles, Contes de la Chouette aveugle, mais dont certaines nouvelles seront publiées individuellement. Un peu à la manière singles-album, pour la pop musique. Par exemple, Motus, la meilleure histoire que j'ai jamais écrite, une histoire de fantôme, très courte, devrait être publiée au Chat Rouge l'an prochain, en solo, comme une grande La Laiteuse et son chat, une novella vampirique, devrait paraître ainsi. Mais après, en 2009, si tout va bien. J'aimerai aussi écrire d'autres Petits Contes Macabres, ceux que Franck Ferric a mis en ligne sur son diable de site Oscurantis ; ces mini contes sont très durs à écrire, mais c'est une belle hygiène que d'écrire un conte en 3 lignes ou presque, on cerne l'os, on ne le lâche pas, on le cure, on le sculpte, jusqu'au vrai poli de l'horreur

Ecrite par Polgara, le 20 Avril 2007 à 08:04 dans la rubrique Interviews .
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