Mister Conscience
		Bouin, Philippe Edition : L'Archipel, Collection : Archipoche 2006, 384 pages ISBN : 978-2-35287-010-4 7,50 €

À quelques jours de l'Ascension, la ville de Bruges se prépare activement aux célébrations religieuses, et notamment la procession, du Saint-Sang du Christ. Pourtant ces pieuses festivités sont endeuillées par un premier crime : Monika Van Ruydt est retrouvée décapitée en la cathédrale Saint-Sauveur. De plus, détail macabre s'il en est, son auriculaire droit a été sectionné. Malgré le travail méticuleux du médecin légiste et de la police scientifique, le commissaire Philippe Daysvat se retrouve sans le moindre indice à se mettre sous la dent afin de se lancer sur une piste concrète, si ce n'est les mystérieux appels téléphoniques d'un certain Mister Conscience, qui lui annonce que ce meurtre inaugure une série de cinq crimes dont il connaît parfaitement l'auteur. Pour apprendre l'identité de l'assassin, il lui faut ouvrir les yeux et affronter une réalité qu'il est loin de vouloir accepter. Débute alors pour lui une course poursuite mais contre quoi au juste ? Que va-t-il trouver au bout du chemin de la vérité ?

Ce polar belge met en scène le commissaire Philippe Daysvat, séduisant quadragénaire, qui reprend son travail après une longue période d'arrêt qui fait suite à son veuvage. Il a en effet perdu sa femme Mathilde lors d'un accident de voiture et il reste très marqué psychologiquement par la disparition de celle-ci. Il est accompagné dans son enquête par Nadine Planckaert, son adjointe et amie très proche qui a un profil de garçon manqué avec son éternel jean et sa manie de fumer comme un pompier. Ses cheveux blonds sont coupés très courts, elle est longiligne et n'a pas sa langue dans sa poche. Il est aussi secondé par l'inspecteur Baudouin Martens dit le Blondinet ou le martien, bedonnant et orphelin lui aussi très affecté par la disparition soudaine de la femme de Philippe car cette dernière était sa marraine. Pour compléter ce trio, il y aussi le commissaire principal Ruytens, énorme chef chargé de chapeauter cette fine équipe, Maynaert, le médécin légiste et enfin Eddie Flahaut, journaliste, meilleur ami de Philippe et auteur de chroniques ésotériques à ses heures perdues.

Ce roman policier se déroule dans l'atmosphère particulière de la ville de Bruges, en Belgique donc. Les personnages sont attachants, vivants, très différents les uns des autres, chacun ayant des convictions très affirmées ce qui leur permet, grâce à des points de vue variés voire opposés, d'avoir une vue d'ensemble exhaustive des événements. Ce livre oscille entre le pragmatisme nécessaire à la poursuite d'une enquête policière, le besoin de logique qui en découle et une ambiance religieuse très présente dans ce contexte de festivités catholiques. Les arts divinatoires sont aussi représentés à travers les rêves prémonitoires de Philippe Daysvat, les pratiques telles que celles de Mama Med et surtout par le biais de l'étrange personnage incarné par Mister Conscience. Ceci est également visible dans les chroniques ésotériques d'Eddie Flahaut qui jalonnent le roman et cassent un peu le rythme effréné de la course aux indices et à la découverte de l'identité du tueur.

Le lecteur a affaire à un très bon polar qui ménage bien le suspens en lançant le lecteur sur plusieurs pistes tout en ne lui permettant d'en retenir aucune. Il s'autorise même à noyer le poisson par l'entremise du mystérieux corbeau qui met en lumière les liens entre les victimes en révélant les trafics financiers qui les entourent. Cependant, rien ne vient étayer l'hypothèse que ces détournements sont le véritable mobile des meurtres. Malgré le risque que comporte toute comparaison, ce livre fait immanquablement penser aux enquêtes d'Agatha Christie et, après tout, Hercule Poirot n'est-il pas belge ?

Enfin, ce livre traite de la schizophrénie et présente donc une énième variation sur le thème de Docteur Jekyll et Mister Hyde. Il permet, en outre, de découvrir des expressions belges telles que " Je t'ai remis sur les rails pour que tu roules normalement, pas pour que tu te prennes pour le Thalys. " ( p.257 ) et " Il y a quand même une arête dans le rollmops [] " ( p.337 ). Cela ajoute une touche d'humour décalé et savoureux à ce polar à l'atmosphère pesante et au suspens haletant. À déguster sans modération.