Lundi Mystérieux (Les Sept Clefs du Pouvoir - Tome 1)
		Nix, Garth Edition : Gallimard Jeunesse 2006, 308 pages ISBN : 2-07-051508-7 7,50 €

Arthur Penhaligon se prépare à faire son entrée au collège. Il aborde cette étape avec deux handicaps majeurs. Tout d'abord, il est nouveau ce qui n'est jamais une bonne façon d'amorcer les choses pour quelqu'un qui ne rêve que d'intégration et de discrétion. De plus, il a déjà manqué deux semaines de cours suite à une hospitalisation. Cependant, ses ennuis ne vont pas s'arrêter là. N'ayant pas réussi à se faire dispenser du cours d'éducation physique pour cause de non-possession de document ad-hoc, Arthur se lance vaillamment dans l'épreuve de course à pied pour s'effondrer quelques minutes plus tard terrassé par une crise d'asthme. C'est alors qu'il est victime, croit-il, d'une hallucination.

Deux personnages se matérialisent sous son nez, lancés dans une conversation pour le moins étrange et à laquelle Arthur ne comprend goutte sauf qu'il a été choisi car il est sur le point de passer de vie à trépas. Pendant qu'Arthur suffoque, étendu par terre, les deux personnages poursuivent leur conciliabule jusqu'à ce que le jeune garçon se retrouve avec, dans la main, un objet métallique qui se révélera être une aiguille d'horloge. Aussitôt, l'adolescent mal en point se sent renaître. Cet événement serait-il lié à l'objet ? Qui sont ces personnes et que veulent-elles ? Autant de questions auxquelles devra répondre Arthur pour comprendre le fin de mot de cette histoire.

Ce roman fantastique destiné à la jeunesse nous vient de l'auteur de la très belle trilogie Sabriël/Liraël/Abhorsën, c'est-à-dire Garth Nix. Son nouveau héros se nomme Arthur et n'a rien d'exceptionnel, ni de particulier si ce n'est d'avoir un nom aux consonances familières (Penhaligon/ Pendragon) et d'avoir été élu non en vertu d'un quelconque pouvoir mais sur le critère d'être mourant. Il a douze ans, est orphelin et souffre d'asthme chronique. Il a été recueilli par des amis de ses véritables parents et il vit confortablement au sein d'une famille recomposée. Sa mère est un chercheur de renom, souvent absente mais très attentive à sa progéniture. Son père est un musicien qui a connu son heure de gloire et qui passe le plus clair de son temps dans son studio à composer. C'est un personnage auquel il est aisé de s'identifier car il ne possède aucun don, aucun signe de reconnaissance sinon un solide bon sens, une volonté de fer ainsi qu'un optimisme à toute épreuve. Il ne se laisse pas facilement embobiner et sait imposer ses propres désirs quand cela s'avère nécessaire. Il est accompagné dans son périple par Suzy, une jeune terrienne qui va l'aider, dans un premier temps, par obligation, puis dans un second temps, par dévouement. Il est aussi secondé par une grenouille bavarde et moralisatrice répondant à la dénomination d'Ultime Volonté. Au sein de son nouveau collège, il trouvera une écoute auprès de Lilas, une jeune "rebelle" qui, en compagnie de son frère, à assister à certains des phénomènes surnaturels se produisant dans leur ville.

Il faut tout d'abord mettre en lumière la volonté salutaire de cet auteur de créer un renversement des mythes : habituellement, une princesse embrasse une grenouille et voit celle-ci se transformer en prince charmant. Ici, un héritier du pouvoir délègue ses obligations à une grenouille qui se transformera en une charmante représentante de la gente féminine. Voilà une inversion plaisante ainsi qu'une charmante torsion du cou à un mythe sexiste. Il est temps d'en finir avec cette manie de toujours laisser les basses besognes aux femmes car après tout qui pourrait avoir envie d'embrasser un crapaud baveux ?

On retrouve une thématique chère à l'auteur : celle du chiffre sept déjà présente dans la première trilogie susnommée. Sabriël possède sept cloches pour exercer son métier d'abhorsën, ici il est question de sept clefs correspondant aux sept jours de la semaine et Arthur devra utiliser la magie de sept horloges pour retrouver le chemin des Royaumes Secondaires. Quel lien secret l'auteur entretient-il avec ce numéro ? Voilà une question qui mérite d'être creusée.

On est en présence d'un bon roman qui ne glorifie pas inutilement son héros, qui se plaît à le mettre dans des situations périlleuses sans lui accorder les facilités pour s'en sortir. L'auteur se moque, gentiment, de son personnage en le laissant assister à sa propre cérémonie d'investiture en chemise et sans caleçon. Le héros est un adolescent banal, sans trait distinctif et véhiculant des valeurs saines comme l'amitié, la loyauté, la famille le tout en abordant des thèmes d'actualité comme la popularité au collège ou bien encore la vie au sein d'une cellule familiale recomposée. Il s'agit d'un livre en prise avec son époque, très instructif et écrit dans un style agréable et facile à lire.