Fiction - Numéro 1
		Fiction Edition : Les Moutons Electriques 2005, 333 pages ISBN : 2-9155793-04-2 19 €

Les revues SF ont un drôle de destin, celui d'essuyeur de plâtres. On y publie de tout, et on y prend tous les risques. Paradoxalement, la vie d'une revue SF est  bien souvent courte, alors même qu'il s'y passe l'essentiel du travail de prospection... la découverte des potentiels de demain et d'hier. Un contre-exemple ? La revue Fiction, née en 1953, dotée de 412 numéros, et son dernier éclat de gloire et de pomme de terre en 1990. Enfin, un dernier éclat, pas sûr ... Lorsque les moutons deviennent électriques, ils découvrent en effet l'art du respawn : celui de faire revivre la plus vieille revue française, et je vous épargnerais la métaphore du phoenix parce que non, Fiction nouvelle mouture mérite vraiment beaucoup, beaucoup mieux que ça.

Avant la petite séance "portrait-robot", où le musée Climaginaire vous proposera un explicatif du principe Fiction, j'aimerai évoquer directement le contenu de ce faux numéro 1. Citons dans le désordre quelqu'unes des nouvelles qui m'ont le plus marqué (au fer rouge).

Presque chez soi. Ou comment une piste de course peut dissimuler un aéroplane en carton-pâte. Vous ne comprenez rien ? C'est normal, seuls les enfants peuvent comprendre, car ils ont encore un coeur suffisamment pétillant pour y croire, et un sac suffisamment garni en cannettes de soda pour réussir à s'envoler. Pour info, le bonhomme (Terry Bisson) a dans sa poche pas mal de récompenses prestigieuses, et semble également à l'aise avec la scénarisation BD. Voici son site: http://www.terrybisson.com/

Le registre de Fiction, vous l'aurez compris, c'est la Science-fiction. De la vraie, c'est à dire du hors-cadre, et pas un de ces packs  space-soapéra à réchauffer que vous connaissez peut-être. Un autre exemple ?

Direction l'univers d'Ursula le Guin, qui, avec un papa anthropologue, connaît l'art du récit d'ethno-scifi, ou comment utiliser un cadre futuriste pour mettre en scène d'autres modes, codes et formes de vie sociale. Deux nouvelles de l'écrivain féminin sont publiées: Solitude et L'anniversaire du monde. dans chacun des cas, on retrouve un même niveau d'excellence, que ce soit dans l'art de produire des situations constrastées, de faire partir en éclat les champs de valeur habituels, ou encore de donner un espace pour une narrativité féminine incomparablement désemparante. Perso, je connaissais pas cet auteur, et j'ai décidé, à la suite de ces lectures, de découvrir l'intégralité de son oeuvre... si ça peut vous donner une idée du choc que j'ai alors éprouvé.

Bon je vais pas faire un inventaire de tout ce que contient Fiction en terme d'inattendu, de liberté, et de puissance narrative. Mais je vais quand même terminer par un dernier exemple, histoire de cibler (arbitrairement) trois cas typiques qui vous permettront de comprendre la diversité de cette anthologie.

Donc je parle de Jim Dedieu, qui quantitativement ne prend pas le plus de place dans la revue, mais qualititavement en transfigure la portée. Trois petits textes au total, d'une page chacun. Irrévérants. Et de l'entropie en boîte de 1500 signes, visionnaire et irrévérencieux. Du génération zéro en somme, si ça peut encore vouloir dire quelque chose. Chacun est un indescriptible portrait du futur, et chacun contient à lui seul un véritable ouvroir de littérature protentiel.

Maintenant que le petit tour de galerie est fait, il est plus simple de faire comprendre en quoi consiste Fiction. C'est de la littérature d'avant-garde d'abord, qui plaira donc avant tout à ceux qui se considèrent autant comme des pionniers que comme des lecteurs. C'est la traduction de Fantasy & Science-Fiction, mais pas seulement. Vous y trouverez aussi de la littérature francophone et d'ailleurs. Et pour les prochains numéro, ce sera de l'alléchant-véritable : Russie, Inde, Japon, geminie du centaure...