Le Chevalier de Sang (Les Royaumes d'épines et d'os - Tome 3)
		Keyes, Greg Edition : Fleuve Noir, Collection : Rendez-vous ailleurs Fantasy 2006, 540 pages ISBN : 2-265-07746-1 25 €

Ce troisième volet s'ouvre sur le retour à la conscience d'Anne qui se retrouve une fois de plus séparée de son escorte, sans qu'elle sache de quelle manière cela est arrivé. Elle découvre un cadavre à ses côtés et cette situation génère beaucoup de questions chez l'héritière du royaume de Crotheny. De leurs côtés, ses compagnons de chevauchée, qui lui servent également de garde personnelle, vont partir à sa recherche sur un parcours semé d'embûches et d'ennemis de tout poil. Au cours de leurs différents affrontements, leur groupe va lui aussi se scinder menant chacun vers son destin. Stéphane et Ehawk vont ainsi être emportés par les piteux en laissant derrière eux Aspar et Winna.

Le chevalier de sang est le troisième tome de la tétralogie des Royaumes d'épines et d'os. On retrouve donc tous les personnages désormais familiers de cette saga épique à commencer par Anne Dare, dernière fille du roi Guillaume II de Crotheny et seule rescapée du massacre qui a coûté la vie à ses deux surs. Elle est toujours accompagnée d'Austra, sa servante et amie ainsi que de Cazio, le bretteur vitellien, un concentré de roman de capes et d'épées à lui tout seul et de Neil le chevalier, son protecteur officiel. Dans cet opus, on découvre aussi la suite du périple d'Aspar White le forestier toujours aussi sociable et bavard, de Stéphane Darige le prêtre de Decmanus, dont le rôle va croître en importance ainsi que de Léovigilde Ackenzal, le compositeur qui va se trouver contraint de créer une nouvelle uvre contre son gré.

Débarrassons nous immédiatement des choses qui fâchent : premièrement il n'y a toujours pas de carte dans ce volume et cette absence se fait cruellement sentir depuis le début du cycle car le lecteur manque de repères et a du mal à suivre les héros dans leurs pérégrinations en n'ayant aucune indication visuelle de distance ou de direction à laquelle se raccrocher pour essayer de situer les personnages dans l'espace. Deuxièmement : le début de ce roman est quelque peu embrouillé, confus et difficilement accessible. En effet, on a parfois l'impression qu'il manque des passages de texte tellement la continuité d'une page sur l'autre n'est pas logique. Les changements de personnage et de point de vue sont tellement abruptes, brutaux, que le confort de lecture s'en trouve perturbé et la compréhension altérée. Voilà pour l'aspect négatif.

Reste le côté positif, le meilleur et le plus important. Cette saga est vraiment intéressante, les héros ont de fortes personnalités. Ils ne sont pas forcément extraordinaires mais ils sont courageux, vaillants et parfaitement entêtés. Les femmes notamment sont très bien représentées et n'ont rien de vierges effarouchées attendant que le prince charmant vienne les sauver, ou du moins ce n'est plus le cas de Anne par exemple qui a beaucoup mûri. En général elles n'hésitent pas à prendre les devants avec les hommes et anticipent leurs désirs. Bien sûr on se trouve en présence d'un tas d'éléments classiques de la fantasy dans son acceptation la plus stricte : la reconquête d'un trône, une lutte entre le bien et le mal, des guerres de religion, de pouvoirs etc. mais il y a également une perte de repère quant à savoir dans quel camp se trouve le bien ou le mal en question, ou bien si la décision que l'on va prendre en toute bonne foi ne va pas déclencher une catastrophe. Cela va bien au-delà d'un manichéisme simpliste. Il y a également tout cet aspect un brin intellectuel concernant les recherches linguistiques de Stéphane. Ses réflexions et déductions quant à la quête de la signification d'un parchemin, sa logique minutieuse quant à l'évolution des termes et des langues pour trouver les noms dans la langue du roi sont réellement appréciables ; on suit sa progression suspendu à ses lèvres et à ses souvenirs afin de voir apparaître la solution qui se dissimule derrière la barrière du savoir ancien. En un mot comme en cent, on est en présence d'une grande uvre dont il sera difficile d'attendre patiemment la suite prévue en novembre 2007 essentiellement parce que l'on se trouve face à des personnages dont l'épaisseur et la complexité sont appréciables. Il en va de même concernant l'écriture.