Solaris - Numéro 151 (Spécial 30 ans)
		Solaris Edition : Les Publications Bénévoles des Littératures de l'Imaginaire du Québec Inc. 2004, 144 pages 7,95 $

Avec un peu de retard, quelques mots sur le Solaris 151 spécial « 30ème anniversaire ». Ce numéro met l'accent sur la science-fiction pure et dure, avec en contenu trois nouvelles écrites par Elisabeth Vonarburg, Mario Tessier et Jean-Louis Trudel, bref trois grandes pointures de la SF canadienne. Au total donc, plus de cent quarante pages de récit. Un numéro très dense, totalement réservé à la fiction, sans news, sans articles, sans interviews. Que des nouvelles, que du bon.

La première nouvelle qui nous est proposée dans ce numéro d'exception s'intitule Sang de pierre. Signée Elisabeth Vonarburg, la nouvelle se déroule dans le monde de prédilection de l'auteur, une terre aquatique, tout en archipels et mers azurées, peuplée de femmes mutantes, sortes de sirènes poético-futuristes. L'effet de dépaysement est immédiat : peut-être parce qu'on a l'impression qu'une voix-off nous parle directement dans la tête (c'est l'effet de la focalisation interne), peut-être parce que dans cet étrange récit, figures antiques extraites de la mythologie grecque (les sirènes donc, mais aussi la boîte de Pandore) et mutations génétiques spontanées finissent par s'identifier. A bon entendeur, tout se passe comme si les deux grands lignes de fuite du récit, cest-à-dire le passé et le futur (soit le souvenir et l'attente, qui ont tous deux une grande place dans l'histoire) venaient se rejoindre et former une boucle concentrique.
Or, dans ce monde hanté de figures archaïques, futuriste et pourtant hors du temps, un homme de l'ancien temps, dépourvu de mutation, fait son apparition. Comment l'intégrer au nouvel ordre social créé par les sirènes et lui faire oublier ses proches, tous morts durant le grand changement ? Dit d'une autre manière : comment éviter que cette figure surgie du passé ne vienne perturber l'équilibre fragile créé par les sirènes ?
En un mot comme en cent : beautiful.

Si les atmosphères poético-existentielles ne vous satisfont pas, n'ayez crainte. Car ce numéro 151 contient de quoi ravir tous les palais. Orientée intrigue et suspens, l'Eclat brûlant de la lune est une nouvelle de science-fiction plus classique, mais non moins passionnante, écrite par Jean-Louis Trudel, un autre habitué des pages de Solaris : un pilote de vaisseau interstellaire demande l'autorisation d'atterrir sur la station Beauport. Motif : vente de vaisseau. Accessoirement : chirurgie esthétique. Comment ça suspect ?
Bon, je ne vais pas vous gâcher la surprise. Disons d'une part que l'intrigue est de qualité, et d'autre part que l'alternance de différents points de vue (un chapitre on se trouve à la place du personnage principal, un chapitre dans la tête d'une inspectrice, ) confère de la dynamique au récit.

Cest la dernière du lot, mais non la moindre : une nouvelle contemporaine très orientée science de Mario Tessier. Elle s'intitule Poussière de diamant, un très bon titre pour une histoire à la fois enchanteresse et pleine de suspens. Le point de départ est assez classique : une commission scientifique est chargée de faire des observations astronomiques depuis le Pôle Nord. Celle-ci devient bientôt le témoin privilégié d'évènements cosmiques sans précédents, augurant des changements importants dans la galaxie. Le tout est nourri de références scientifiques sérieuses (on sent derrière un important travail de documentation), et retranscrit avec talent la fascination et l'enthousiasme qu'on peut ressentir en faisant des découvertes scientifiques cruciales.

Fidèle à son habitude, Solaris démontre une fois de plus la vitalité de la SF et des auteurs qui participent à son évolution et à son renouvellement.